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Luciano CARVALHO

Luciano Carvalho
Portugais en Aquitaine
Né en 1948

Luciano CARVALHO
Luciano CARVALHO
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Les séquences

Interviewer : Bernadette Ferreira

Lieu : Saint-Loubès

Date : 21 juillet 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès de l’immigration portugaise en Aquitaine, un entretien avec M. Luciano Carvalho a été enregistré le 21 Juillet 2009 à Saint-Loubès (33). Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

LUCIANO CARVALHO – Je m’appelle Luciano Carvalho ; je suis né en 1948 à Chaves Redondelo, dans la région de Trás-os-Montes, tout à fait au nord du Portugal, à 4 kilomètres de la frontière. J’habitais à la campagne, avec mes parents qui étaient agriculteurs.

BERNADETTE FERREIRA – Pourquoi avez-vous quitté le Portugal ?

Pour essayer de trouver une vie meilleure et aussi parce qu’à l’époque il y avait la guerre dans les colonies et soit on partait, soit on était enrôlé. J’avais 16 ans et demi, on a payé des passeurs qui organisaient la traversée par la montagne en camions. On n’avait pas tellement le choix, il y avait la guerre, des gens du village partaient et ne revenaient pas, ou alors avec un bras en moins, mais il y avait aussi la pauvreté, on voulait quelque chose de mieux.

Je suis parti pour essayer de trouver une vie meilleure, mais aussi parce que, à l’époque, il y avait les guerres coloniales. Et donc, soit, on partait, soit… on allait faire la guerre.

Je suis donc parti avec un oncle et on a atterri dans la région parisienne. Il était content de m’avoir car il ne savait pas lire ! Vous imaginez en plein Paris ? On avait une adresse à Saint-Germain-en-Laye, mais malheureusement les gens qui devaient nous recevoir à l’époque étaient repartis au Portugal ! On s’est donc retrouvés désemparés, sans savoir ou coucher, mais dès le lendemain on a pu trouver des Portugais qui nous ont aidés et on a trouvé du travail très rapidement.

Quand vous avez quitté le Portugal, pensez-vous y revenir ?

J’étais bien content d’être en France, mais au Portugal il y avait la famille, les parents, les frères et sœurs… je n’y suis retourné que 5 ans plus tard parce que n’ayant pas effectué le service militaire j’étais considéré plus ou moins comme déserteur… Quand on est arrivé à Paris, ce qui me frappait, c’était la dimension de la ville, le métro… A l’époque, au village, il y avait déjà quelques personnes qui étaient partis en France, et quand on les voyait revenir au pays, ils étaient transformés, on avait donc une image très positive, c’était pas le paradis mais presque !

À Paris, j’ai travaillé comme manœuvre sur des chantiers de tout à l’égout, j’avais eu un contrat d’un an et après je suis parti dans la construction métallique. J’ai appris le français sur le tas, ce n’était pas évident et j’ai dû prendre au moins une fois par semaine des cours du soir. On avait des contacts avec les collègues français, peu avec l’encadrement. Mais il y avait surtout des Portugais et des Arabes et ça se passait bien. Quand je suis revenu au Portugal, c’était quelque chose d’extraordinaire, de formidable, revoir sa famille 5 ans après ! J’y suis revenu régulièrement, au moins une fois par an quand j’ai eu le passeport, même après la Révolution des Œillets.

Sur ces chantiers pour les égouts, c’était très cosmopolite, avec beaucoup de nationalités différentes et des collègues français plutôt dans l’encadrement. Mais j’y ai été très bien accueilli !

Je suis parti de Paris en 1968, juste après les évènements, vers le mois de juin, dans la région lyonnaise pour commencer, puis en Aquitaine en 1971. On a participé à la construction des usines Ford à Blanquefort et c’est là que j’ai rencontré mon ex-épouse ! J’ai toujours travaillé dans le même domaine jusqu’à il y a une quinzaine d’années ; après j’ai créé ma propre société de construction métallique que j’ai revendue. J’ai aussi réalisé quelques opérations immobilières pour finir ma carrière comme viticulteur à Yvrac !

J’ai eu deux filles et la petite dernière que vous avez pu voir ici comprend assez bien le portugais. Parler c’est plus difficile… Ma fille aînée qui a 33 ans le comprend mais le parle très mal. Quant à moi, j’essaye de pratiquer dès que j’en ai la possibilité. Je suis encore retourné au pays en décembre pour voir la famille, même s’il n’y a plus tellement de monde, par nostalgie, pour revoir le village. Autrement, on va aussi un peu en vacances dans le sud. Ce n’est plus le Portugal que j’ai connu, mais j’ai quand même un petit frisson quand j’y suis, ça reste malgré tout mon pays natal !

Je reste portugais dans l’âme, même si je me sens très bien en France. Je me sens plus particulièrement portugais quand il y a des manifestations entre Portugais et Français. Pour un match de foot par exemple, c’est sûr que mon cœur balance pour le Portugal, c’est dans des occasions comme celles-là effectivement qu’on ressent qu’il y a des racines ! Le pays a beaucoup changé, mais malgré l’évolution, restent le sens de l’accueil et la gentillesse des gens, qui manquent un peu en France… 

J’ai toujours cette nostalgie du pays, je me sens très portugais dans l’âme… Et, quand j’y vais, bon, je sais pas, y’a toujours cette espèce de petit frisson…

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Interviewer : Bernadette Ferreira

Lieu : Saint-Loubès

Date : 21 juillet 2009

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