Les grandes vagues de l’immigration turque en Europe interviennent à une période clé : les années 60. La Turquie essuie une crise économique galopante. Une génération de jeunes issus du milieu rural est en recherche de travail pour nourrir des familles nombreuses et de plus en plus appauvries. Du fait de l’industrialisation et de l’urbanisation, les terres turques ne rapportent plus, surtout si on est l’aîné. Et travailler en ville n’est pas une solution : c’est rejoindre un bidonville et gagner quelques livres par jour. L’Europe est ainsi le meilleur des horizons.
Or, le vieux continent européen est en peine de trouver une main d’œuvre pour ses métiers les plus pénibles dans la métallurgie, l’automobile, le bâtiment ou encore la déforestation. Des ponts ne tardent pas à s’ériger. Un accord migratoire franco-turc est signé en 1965.
Pilier de la république et garant de l’ordre public, l’armée turque renverse en 1960 le gouvernement démocrate d’Adnan Menderes. En 1980, l’armée intervient sous forme de putsch afin d’apaiser le pays connaissant une crise multiforme : instabilité politique, récession économique, conflit armé avec Chypre et tension avec la rébellion kurde. De 1991 à 2002, de la percée du parti de la prospérité (Refah) jusqu’à la victoire du parti de la Justice et du Développement (AKP) de Recep Tayyip Erdogan, l’islamisme modéré fait son entrée dans la vie politique turque. A compter de 2002, l’AKP s’impose, avec, par la suite. des dérives autoritaires très contestées. Il est réélu jusqu’en 2018, en s’alliant avec l’extrême droite.
Selon des sources croisées, plus de 800 000 Turcs et Franco-Turcs résideraient en France. C’est la deuxième communauté turque d’Europe après celle de l’Allemagne 1.
Au niveau aquitain, l’immigration turque est estimée aujourd’hui entre 4000 et 8000 selon les sources de comptabilisation 2 . Son identité en France est construite autour de valeurs fortes : la religion, le nationalisme, la turcité et l’attachement nostalgique au pays, gurbet en turc. Le regard doit être porté plus loin. La communauté turque a trouvé d’autres voies d’intégration.
Elle est une de celles accédant le plus à la propriété, dans les deux pays d’appartenance, en France et en Turquie. En cause et conséquence se trouve un fort dynamisme économique. Les Turcs sont de vrais entrepreneurs. Cette mobilité s’accompagne d’un intérêt pour la vie publique, et une implication dans la cité, notamment par la création et la participation aux associations.
1 « Répartition des étrangers par nationalité en 2013 », INSEE, 2013 ; « La communauté turque de France en 2020 », Mehmet Ali Alkinci, Institut Jean Lecuanet, France Forum, n°76, mai 2020
2« Histoire et mémoire de l’immigration en Aquitaine », ACSE (Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Egalité des chances), Direction Régionale Aquitaine, Christophe Drot, novembre 2007, p104.
Pour mieux faire connaître cette réalité sociale et humaine, le Rahmi a décidé, sur la proposition du CLAP Sud-Ouest (Comité de Liaison des Acteurs de la Promotion), de procéder à la collecte de témoignages.
37 récits de vie de travailleurs turcs et de leur famille immigrés en Nouvelle Aquitaine ont été recueillis. Vous trouverez sur chaque page de témoignage un résumé de l’entretien, tiré de l’ouvrage « Les voyageurs solitaires » (éditions Elytis), accompagné de sa retranscription intégrale.