Mehmet TOLAN

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mr Mehmet Tolan, avait été réalisé le 26 février 2018, à Lormont (33310). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

Je suis né à Gücük, près d’Elbistan au centre de la Turquie. J’ai deux frères, dont un jumeau, et deux sœurs. J’appartiens à la communauté musulmane alévie. Je suis allé à l’école jusqu’en CM2. A partir de l’âge de 14 ans, je rejoins mon père à Istanbul et je travaille dans le bâtiment dans le quartier de Kadikoy.  Nous gagnons dix livres turques par jour et dormons à dix dans une chambre. Après mon service militaire, je me marie au village avec la fille d’un de mes oncles et je retourne à Istanbul travailler.

Début 1973, avec mon frère jumeau, je dépose ma candidature auprès de l’Allemagne et de la France. Nos demandes sont acceptées par la France. Je pars à Istanbul avec mon frère où nous rejoignons un groupe de soixante-dix turcs. Notre trajet dure trois jours et nous traversons la Bulgarie, la Grèce, l’Italie, puis la France. 

Le 17 novembre 1973, j’arrive à Paris. Harnachés d’un panneau en carton autour du cou indiquant la ville de Bayonne, nous prenons un second train. Puis nous sommes conduits à un foyer de travailleurs. Nous travaillons sur un chantier de construction et je suis en charge de la fabrication du béton. Un mois plus tard, nous sommes transférés sur le chantier d’une école à Saint-Médard. Logés dans des baraquements, nous devons arrêter le travail pour obtenir de l’eau : les conduits des douches sont fermés.  Nous sommes ensuite envoyés sur le chantier de l’hôpital de Pessac. J’apprends cette année le décès de ma fille, suite à une bronchite qui n’a pu être soignée. 

Six mois plus tard, je retourne en Turquie avec mon frère : nos femmes ne s’entendent pas et nous devons les séparer de foyer.

Le 26 septembre 1976, je suis recruté par l’usine Ford en tant que machiniste. Je bénéficie d’une formation en français mais la délaisse. Quelques mois plus tard, ma demande de regroupement familial est acceptée et ma femme me rejoint. Nous louons un logement social à Bordeaux Lac. Puis nous déménageons à Blanquefort. Ma femme accouche d’une petite fille qui décède le jour de sa naissance. Nous aurons ensuite deux garçons et une fille. Après son dernier accouchement, mon épouse tombe gravement malade : elle développe un cancer de la gorge. 

En 1988, trois ans plus tard, elle décède. Le rapatriement de son corps en Turquie est financé par le Fonds funèbre des alévis dont je suis membre encore aujourd’hui du Bureau. Mes enfants sont alors âgés de 9, 6 et 3 ans. Je me remarie en Turquie 23 jours après le décès de ma femme. Ma nouvelle épouse nous rejoint en France quatre mois plus tard. Nous aurons trois enfants ensemble. 

En 1995, j’achète un terrain à Eysine. Je fais construire une grande maison avec cinq chambres, deux salles de bain et un grand jardin. J’investis aussi en Turquie : j’achète un immeuble de quatre appartements et deux locaux commerciaux à Götzepe.

A l’âge de soixante-ans alors que je rencontre des difficultés de santé suite à une opération du canal carpien, je négocie ma retraite. Tous mes enfants ont fait des études. Certains sont encore en licence ou en master et une de mes filles est pharmacienne.