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Mehmet SAHIN

Travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine

Mehmet SAHIN
Mehmet SAHIN
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Les séquences

Interviewer : Hurizet Gunder, Keziban Yildiz
Lieu : Lormont (33310)
Date : 4 mai 2018

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mr Mehmet SAHIN, avait été réalisé le 4 mai 2018, à Lormont (33310). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

Je suis né à Kahraman près de Sürmene, non loin des rives de la Mer Noire, au cœur des plateaux nord de l’Anatolie Orientale. Je suis l’aîné d’une fratrie de sept enfants. Alors, je reste peu sur les bancs d’école. Juste le temps de la scolarisation primaire, puis je file à Istanbul : je porte avec mon père les grosses pierres. A 8 ans, je suis travailleur en bâtiment. 

En 1971, une parenthèse, le service militaire à Dermiköy, près de Kirklareli, à la pointe nord-ouest de la Turquie. En 1973, je me marie et j’ai un fils l’année suivante. Je travaille à Trabzon, au bord de la Mer Noire. Mon salaire ne nous nourrit pas. Le 27 mai 1974, j’ai 24 ans et je quitte mon pays. J’ai proposé mes mains à la France : ma candidature de travailleur en bâtiment a été acceptée. Trois jours de voyage en train jusqu’à Bordeaux. A la gare, des badges au nom de l’entreprise épinglés à nos vestes sont notre seul signe de reconnaissance : le comptable de l’entreprise nous salue froidement. Sans temps de mise à distance, nous sommes parachutés sur le chantier : un immense hôpital – Pellegrin – et à côté une université à construire – la faculté de médecine de Bordeaux. Des containers se présentent un à un sous nos yeux en fin de journée. Ils se posent sur le bord du chantier : ces boîtes seront nos chambres pour quatre. Travaillant du matin au soir, je cesse les cours de français au centre social. 

En 1976, je suis muté à Agen par mon entreprise qui dépose le bilan un an plus tard. Je tape à toutes les portes pour trouver du travail : j’en trouve à Djeddah, en Arabie Saoudite. La Société Auxiliaire des Entreprises (SAE) recrute. Mon salaire est doublé, je suis logé et nourri. Je travaille dans la construction d’un immeuble près de l’aéroport. Mais au bout de dix mois, je suis renvoyé en France : mon contrat était pourtant de deux ans. Je porte plainte et je gagne procès, malgré l’appel : je reçois la somme de 7 000 francs. 

Je crée mon entreprise en bâtiment : je suis artisan. Je tiens le rythme deux ans. Puis je ferme. Et je deviens salarié de compatriotes artisans. 

Ma famille grandit en Turquie. J’ai quatre garçons et trois filles.

En 2010, j’ai soixante ans et prends ma retraite. Les mois passés en France se raccourcissent, limités à des contraintes administratives. Les mois passés en Turquie se rallongent : je fais construire une maison à Istanbul, puis un immeuble pour mes enfants et j’achète un appartement pour mon épouse et moi. Mes enfants ont un avenir : deux vont à l’université, un autre travaille à Radio-Télévision de Turquie (RTT) et un dernier dirige une bijouterie. 

A la France, j’ai apporté mon travail, ma force, mes efforts et mes plus belles années. En échange, elle nous a apporté de l’argent. J’ai donné ma vie contre l’argent, je dois bien l’admettre aujourd’hui.

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Interviewer : Hurizet Gunder, Keziban Yildiz
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