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Selfinaz SEKER

Travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine

Selfinaz SEKER
Selfinaz SEKER
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Les séquences

Interviewer : Hurizet Gunder, Keziban Yildiz
Lieu : Cenon (33150)
Date : 21 novembre 2017

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mme Selfinaz SEKER, avait été réalisé le 21 novembre 2017, à Cenon (33150). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

Je suis née à Yenikoy près de Posof, à l’extrême nord-est de la Turquie. Je vais à l’école durant trois ans, de façon irrégulière car mes parents ont besoin de moi pour les travaux à la ferme. Quelques années plus tard, je me marie et nous avons nos premiers enfants. Puis, mon mari rejoint la France où il a obtenu un contrat de travail. Six ans plus tard, je reçois un courrier de l’administration française : notre regroupement familial est accepté. Nous avons alors six enfants âgés de 6, 7, 12, 13, 16 et 17 ans.

Pour la première fois je prends l’avion. Pour la première fois, je découvre la noirceur du métro. Pour la première fois, je vois des hommes à la peau noire. Arrivés à Bordeaux, un ami de mon mari nous conduit jusqu’à Saint-Germain-du-Puch : nous sommes 8, mon mari craint un enlèvement si nous nous divisons. Arrivés au milieu de la nuit, un voisin nous accueille pour nous offrir le repas : nous sommes en plein Ramadan.

Durant vingt ans, je m’occupe de notre foyer. Je ne m’adapte pas à la cuisine française, à son pain et encore moins à son fromage. Je cultive les légumes de notre potager et j’élève les poules de notre poulailler. Je confectionne même les couvertures : j’achète 500 kg de coton et fais venir du tissu. Je vis en ville comme si je vivais à la campagne.

Deux ans après notre arrivée en France, nous achetons une maison à Inegöl en Turquie, entourée d’une vigne fleurie, un coup de cœur. Je suis rassurée : nous avons un endroit pour notre réinstallation à venir.

Mon fils aîné décède durant son service militaire en Turquie : il n’en n’est jamais revenu. Mon fils Mursel s’installe en Turquie où il crée un commerce. Nous déménageons à Cenon. Nous vivons à treize dans un T5 car un de mes fils s’est marié et a eu un enfant. 

Mon époux participe à la création du centre culturel turc et de la première mosquée à Bordeaux. Nous hébergeons nombre de compatriotes en attente de régularisation. Parfois quelques jours, parfois un an. 

Aujourd’hui, je vis depuis 37 ans en France et je suis retraitée. J’ai 17 petits-enfants et des arrières-petits-enfants. Je suis reconnaissante à la France qui nous a permis d’avoir un travail, de l’argent et de devenir propriétaires en Turquie. Elle a aussi permis à nos enfants de grandir et d’avoir une bonne situation. Mais, même en vieillissant, je ne me suis jamais adaptée à ce pays. Mon cerveau est toujours là-bas, en Turquie. Lors de mon départ pour la France, j’étais convaincue que je m’y réinstallerais, je n’ai jamais pu et c’est un déchirement quotidien.

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Interviewer : Hurizet Gunder, Keziban Yildiz
Lieu : Cenon (33150)
Date : 21 novembre 2017

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