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Kerim DAYAN

Travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine

Kerim DAYAN
Kerim DAYAN
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Les séquences

Interviewer : Hürizet Gunder, Keziban Yildiz
Lieu : Montussan (33450)
Date : 26 octobre 2017

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mr Kerim Dayan, avait été réalisé le 26 octobre 2017, à Montussan (33450). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

En 1950, je suis originaire d’Afyon, un village à l’ouest de la Turquie. J’ai été à l’école jusqu’à la fin du primaire, puis je deviens coiffeur. J’ouvre un café avec des amis à Sarayköy près de Denizli. Je me marie et j’ai deux enfants. En 1970, j’ai vingt-six ans  et je vends mon café en raison de la situation sécuritaire en Turquie. Je crains les fusillades, les balles perdues, les attaques terroristes. Les partis de droite et de gauche s’affrontent au fusil. “Le père tuait son fils, et le fils son père.”

En 1976, un sac sur le dos, je me rends à Düsseldorf en Allemagne avec un ami. Un voyage de deux jours en bus. En Allemagne, tout est différent : le climat, l’architecture. Je loge chez un compatriote. Il travaille comme ferrailleur : douze à quatorze heures par jour dans une chaleur suffocante : les fours chauffent à 700 degrés. Je travaille à la récolte de carottes : 5 marks de l’heure. Puis j’ai rejoint Stuttgart où mon oncle m’a fait comprendre que je ne suis pas le bienvenu. Alors je rejoins la France : je vais en train à Paris, puis Orléans en bus. Seize centimètres de neige, j’ai les mains gelées : je pars vers le sud. Mon objectif est l’Espagne. Mais lors de mon arrêt à Bordeaux, je décide de rester. Je loge dans un hôtel Cours Victor Hugo avec cinquante autres compatriotes. Sans papiers, je travaille au noir dans le bâtiment : de l’esclavagisme moderne. Je suis des cours du soir de français à l’ASTI durant deux ans.

En 1979, mon enfant de deux ans décède, je retourne en Turquie. Au bout de deux mois, je tente de retourner en France. Mais une loi récente interdit les allers-retours en Europe : je dois attendre trois années après mon dernier séjour. Je décide de détruire mon passeport et d’en faire faire un nouveau : 4000 lyres turques de procédure. Sept mois plus tard, je suis de retour en France. 

Après le coup d’Etat de 1980 en Turquie, je suis inquiet “Ils ramassent les opposants comme les fruits”. Je fais venir mon frère en France. La même année je participe à la grève de la faim des sans-papiers turcs et tunisiens : je suis hospitalisé au bout du 32ème jour. Nous sommes soutenus par les associations et des églises. En 1981, après l’élection de François Mitterrand, des vagues de régularisation sont entamées : à croire que notre grève n’avait servi à rien.  Nous avons ensuite créé l’association “Union des musulmans turcs” et avons fait bâtir la première mosquée à Bordeaux.  Je ne suis régularisé qu’en 1983, un des derniers sur la liste. Je vais chercher ma famille en Turquie. Mon cœur explose lorsque je les revois : j’ai alors une fille de trois ans, un garçon de huit ans et un fils de seize ans. Nous logeons dans le quartier des Chartrons, puis à Terrasson, en Dordogne, puis à Saint-Germain du Puch. Mais mon lieu de travail était à plus de cent kilomètres. Je partais à 6h pour ne rentrer qu’à 23 heures. Alors nous avons déménagé à Vayres. 

En 1986, ma mère a le mal du pays : “Mettez un oiseau dans une cage d’or, il réclamera toujours sa cage de naissance.” Nous retournons en Turquie. Je travaille deux ans dans l’immobilier à Kusadasi. Puis, mon fils aîné souhaitant retourner en France, nous y retournons tous.  Nous logeons à Ludon Médoc et je redeviens ouvrier en bâtiment.

Nous nous rendons souvent en Turquie. Nous avons acheté une maison à Afyon.

Aujourd’hui, je suis retraité en France et j’ai onze petits-enfants. “J’ai apporté à ce pays mon travail, mes efforts, ma sueur : il y a la marque de mes mains dans chaque recoin de la ville de Bordeaux.”

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Interviewer : Hürizet Gunder, Keziban Yildiz
Lieu : Montussan (33450)
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