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Fatin KOC

Travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine

Fatin KOC
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Les séquences

Interviewer : Hurizet Gunder, Emmanuelle Dubois
Lieu : Lormont (33310)
Date : 30 mars 2017

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mr Fatin Koc, avait été réalisé le 30 mars 2017, à Lormont (33310). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

Je suis né en 1941 dans le village de Akcagun près des villes de Terme et de Samsun, sur les rives de la Mer Noire. Je vais à l’école coranique et j’obtiens mon diplôme en 1969. Je suis agriculteur et je cultive le maïs et le riz. En parallèle, j’ouvre un restaurant dans le centre ville. Je me marie et nous aurons six enfants.  En 1970, je suis nommé adjoint au maire socialiste de mon village car je suis un des seuls à savoir lire et écrire. En 1972, à l’âge de 31 ans, je dépose ma candidature pour travailler en France alors que je pars faire mon service militaire. A mon retour, ma demande est acceptée : l’usine de chaussures Sinfelec me propose un contrat de travail. Avec trois compatriotes de Terme, nous traversons l’Europe en train durant trois jours. Un autre train me conduit à Bordeaux, puis un troisième à Langon. Je suis ensuite conduit en voiture à La Brède par un membre de l’entreprise.

Nous logeons à quatre dans une chambre dans un bâtiment appartenant à l’usine. Par la suite, quarante-huit autres turcs nous rejoignent dans l’entreprise. A notre premier jour, les travailleurs français cessent le travail et nous encerclent : Ils n’avaient jamais vu de Turcs ! J’apprends le français grâce à des enseignants de l’université de Talence qui donnent un soir sur deux des cours aux employés de l’usine. J’ai gardé mes cahiers en souvenir. 

Je cherche un nouvel emploi : travailler uniquement la semaine est insuffisant. Je veux travailler tous les jours. 

En 1975, je vais chercher ma famille en Turquie. J’ignore les procédures de regroupement familial. Je demande l’aide d’un ami résidant à Terme qui possède une voiture. Il accepte de conduire ma femme et mes six enfants jusqu’en France. 

En 1976, je suis recruté par l’usine Ford. Mon salaire passe de 1300 à 2500 francs et j’ai la possibilité de faire des heures supplémentaires. Mais l’usine se situe à Blanquefort, à quarante kilomètres de mon logement et je n’ai pas de voiture. Je circule en moto et je crains l’accident. J’obtiens un logement social à Lormont. Après une houleuse négociation avec le chef du personnel, j’obtiens l’autorisation de partir deux mois chaque année en Turquie. 

Je suis très engagé pour la communauté turque bordelaise. Je suis jeune et rempli d’énergie. Je travaille en trois-huit et j’ai du temps. Le matin je travaille pour la France, chez Ford. L’après midi je travaille pour mon pays, la Turquie, afin d’ouvrir des chemins culturels. En 1982, je crée et préside le comité des parents d’élèves turcs. Aujourd’hui, la métropole bordelaise compte 17 classes de turc et 350 élèves. Nous organisons aussi une large collecte pour le financement de la construction de la première mosquée à Bordeaux. Je suis également à l’origine de la création du consulat de Turquie à Bordeaux. Je crée aussi l’association Atatürk qui promeut la culture turque en France. Elle organise des échanges universitaires entre la France et la Turquie. 

En Turquie, je deviens propriétaire terrien et j’achète aussi deux appartements. Je reçois régulièrement des collégiens et des étudiants de Bordeaux. 

En 2009, je prends ma retraite. Après quarante ans de travail en France, ma pension n’est pas suffisante. Je la complète par les loyers d’un appartement dont je suis propriétaire. Je vis six mois en France et six mois en Turquie. Cette vie entre deux pays n’est pas facile.

Aujourd’hui, si mon départ en France était à refaire, je ne le referai pas. Mais s’il y avait un troisième pays, autre que la Turquie et la France, qui pourrait m’apporter plus, je le ferai. La France m’a fait homme. Et j’ai apporté à la France mes enfants, mes petits-enfants, mes arrières petits-enfants : nous sommes aujourd’hui 45 ! J’ai augmenté le nombre de la population française !

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Interviewer : Hurizet Gunder, Emmanuelle Dubois
Lieu : Lormont (33310)
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