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Israfil GUNDER

Travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine

Israfil GUNDER
Israfil GUNDER
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Les séquences

Interviewer : Hurizet Gunder
Lieu : Bordeaux (33000)
Date : 3 mai 2018

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des travailleurs turcs de Nouvelle Aquitaine, un entretien avec Mr Israfil Gunder, avait été réalisé le 3 mai 2018, à Bordeaux (33000). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous. 

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

Je suis né à Süngulu près de Posof, dans l’est de la Turquie. Je suis scolarisé jusqu’en classe de CM2. Mais en raison du travail à la ferme de mes parents, je vais très peu à l’école : au total j’ai dû y aller une année. En 1960, je me marie. En 1963, je réalise mon service militaire : je suis chauffeur pour l’armée à Istanbul durant deux ans. En 1969, je rejoins la ville de Hopa près de la mer Noire où je travaille au port dans une entreprise de casse de pierres durant deux ans. Je retourne ensuite chez mes parents et je ne trouve pas de travail.

En 1974, je dépose ma candidature pour aller travailler en France : un membre de ma famille avait fait la même démarche et travaillait pour l’entreprise Costes qui recrutait à Créon, à côté de Bordeaux. Quelques mois plus tard, je reçois un courrier de validation de ma candidature. Ma famille est heureuse de la nouvelle. Je me rends à Kars après un trajet de 24 heures en bus. Je passe une visite médicale et je fais mon passeport. Puis, je rejoins Istanbul où je reste 28 jours à l’hôtel : ma procédure de recrutement n’a pas été validée par le directeur de l’entreprise. Je survis grâce à l’argent prêté par mon frère résidant en France et à celui d’un cousin revenant d’Allemagne et en vacances à Istanbul. Après obtention de l’accord de l’entreprise, je retourne à Kars où a été renvoyé mon passeport. J’y reste trois jours, dormant chez ma sœur. Puis, je gagne à nouveau Istanbul où les autorités françaises me délivrent un visa. Je prends un train qui traverse la Grèce, la Bulgarie, la Yougoslavie puis la France : mon trajet dure trois jours. En Yougoslavie, je me trompe de train et des turcophones me guident. Arrivé à Paris, des policiers m’indiquent le train pour Bordeaux. “Dans le train je ne pense à rien. Je ne regarde rien. Ma priorité est de devenir un travailleur.” 

A la gare Saint-Jean, je suis attendu par mon futur chef, qui me conduit en voiture à Cursan, près de Créon. Dans le logement pour travailleurs, je retrouve avec surprise quatre compatriotes de ma connaissance. Nous sommes trois dans une petite chambre, avec une cuisinière et un point d’eau. Je travaille en tant que jardinier : j’apprends le métier en deux mois. Je deviens ensuite chauffeur pour la même entreprise. J’apprends rapidement le français par le dialogue. Mon chef m’accorde deux mois et demi de congés l’année suivante, délai lui permettant un changement de contrat. Je retourne en Turquie. J’arrive avec deux valises remplies de vêtements pour mes parents et ma femme et des bonbons pour les enfants.

En 1978, j’inscris mon épouse sur mon passeport et je me rends en Turquie pour la ramener en France. Nous prenons l’avion pour la Belgique. Puis, un chauffeur turc nous conduit à Lille où nous prenons le train pour Bordeaux. Mon chef nous a loué un appartement avec trois chambres.

Je travaille dix-huit ans dans la même entreprise : je suis payé 4 francs de l’heure puis six francs, soit environ 700 francs par mois, frais déduits. Après la faillite de l’entreprise, je m’installe à Libourne où je trouve un travail au sein de l’entreprise Alpha. Cette dernière dépose également le bilan et je rejoins Cenon où je travaille pour la fille de mon premier employeur. Je rencontre un grave problème de santé. Je suis déclaré inapte par la médecine du travail et je reste dix ans en maladie professionnelle.

A l’âge de 60 ans, je deviens retraité en France et également en Turquie. Je me rends trois à quatre mois par an en Turquie.

Aujourd’hui, j’ai 75 ans. J’ai vécu 44 ans en France. Ce que la France m’a apporté, c’est le travail et rien d’autre. Et je lui ai offert mes efforts et mes cheveux. Je marche avec un bâton aujourd’hui. Et je n’ai jamais eu de salaire décent. 

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Interviewer : Hurizet Gunder
Lieu : Bordeaux (33000)
Date : 3 mai 2018

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