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Rosalina DE OLIVEIRA

Rosalina De Oliveira
Portugaise en Aquitaine
Née en 1964

Rosalina DE OLIVEIRA
Rosalina DE OLIVEIRA
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Les séquences

Interviewer : Raymond Arnaud

Lieu : Pessac

Date : 27 avril 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès de l’immigration portugaise en Aquitaine, un entretien avec Mme Rosalina De Oliveira a été enregistré le 27 avril 2009 à Pessac (33). Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

ROSALINA DE OLIVEIRA – Je suis née le 9 mai 1964 dans un petit village de montagne, au nord-ouest du Portugal. Mes parents étaient agriculteurs, tout comme mes grands-parents et mon père a donc immigré dans les années 60 pour essayer d’avoir une vie meilleure à apporter à sa famille.

RAYMOND ARNAUD – L’agriculture ne lui permettait pas de vivre correctement ?

Le Nord du Portugal était un secteur très peuplé, avec de petites parcelles de terre, mes parents étaient propriétaires de forêts et de champs à cultiver. Mais cela n’était pas suffisant pour nous permettre une vie décente, d’où l’idée de partir à l’étranger pour mieux gagner sa vie.

Comment s’est organisé ce départ ?

Mon père a dû partir de façon clandestine, avec les dangers que ça impliquait. Il l’a fait avec un passeur, et ensuite chaque fois qu’il revenait au pays, c’était toujours avec des difficultés et l’interrogation : « Est-ce que je pourrai en ressortir ? » Plus tard, il y avait le système de régularisation de la licence pour pouvoir sortir du pays, moyennant un montant financier à verser. En 1971, lorsqu’il nous a rapatriés, le système était déjà beaucoup plus simple et chaque année il payait sa cotisation et pouvait ressortir du pays.

De 1964 jusqu’en 1971, il a donc été seul ici, en France. Il habitait Pessac, et retournait une fois par an au Portugal, l’essentiel de son voyage se portant sur le mois d’août, pour les vacances. Ensuite, il communiquait par courrier, ce qui était long pour avoir des nouvelles. Il ne nous a pas fait venir plus tôt parce que c’était compliqué, il craignait le passage clandestin, et il pensait gagner suffisamment bien sa vie pour pouvoir revenir un jour avec une bonne situation. Manœuvre au départ, il a ensuite vite évolué vers ouvrier qualifié maçon.

Revenons à votre propre itinéraire Rosalina, qu’avez-vous fait une fois arrivés en France à Pessac, en Gironde ?

Le voyage était extrêmement long. On nous avait cachés sous une bâche, dans le bateau, à l’époque je n’avais pas compris pourquoi, mais on nous avait dit d’être très sages ; ensuite nous avions traversé l’Espagne en bus, et nous sommes arrivés en France. Des policiers avaient contrôlé mes parents de façon assez stricte, mais avaient été assez sympathiques avec nous en nous donnant du chocolat et nous étions arrivés à Bordeaux. J’avais six ans et demi. Mon père nous a inscrits à l’école, ma sœur et moi, assez loin de notre domicile, parce que c’était une école qui avait à l’époque une classe d’intégration pour les étrangers. Il nous a emmenés le premier jour et a longuement discuté avec la directrice. Ensuite, il nous a laissées, et le souvenir que j’en ai, c’est que nous avons beaucoup pleuré, ma sœur et moi, on était assez traumatisées, et puis la directrice a été très sympathique, tout le personnel était très attentif, et nous avons démarré notre scolarité dans de très bonnes conditions finalement.

Le souvenir que j’ai de mon premier jour d’école, c’est que, ma sœur et moi, nous avons beaucoup pleuré. Au moment où mon père nous a déposé à l’école, nous sommes parties tambouriner sur la baie vitrée pour appeler mon père… et lui demander de ne pas nous laisser…

Qui fréquentiez-vous à l’époque en tant qu’enfant ?

Des petites filles de Français, de gens d’un niveau de vie plutôt aisé, et donc ça m’a permis de très vite évoluer, d’avoir envie de bien lire comme elles à l’école, et nous avons très rapidement, l’année suivante, intégré le cursus normal, donc le CP pour moi. Ensuite, ce fut le collège, et là encore il y avait plusieurs classes de langue portugaise. Puis j’ai enclenché sur le lycée, j’ai fait un bac technique G1, c’est-à-dire tourné davantage vers le secrétariat. J’avançais, mais sans trop savoir vraiment où j’allais ou ce que je voulais. Mes parents nous disaient tout simplement : « Allez-y ! nous, nous n’avons pas pu faire ce que nous avons vraiment voulu. On vous donne les moyens aujourd’hui, donc allez-y, profitez-en ! »

Mais j’ai pris conscience que je ne me voyais absolument pas être secrétaire et je me suis dit, je suis portugaise, on me demande souvent des informations sur le Portugal, et je ne connais absolument rien d’autre du Portugal que mon village, je ne connaissais rien de l’Histoire. J’ai donc voulu tout savoir sur le Portugal, devenir enseignante de portugais en France ou peut-être plus tard de français au Portugal. Je me suis inscrite à la fac de portugais, j’ai fait mon DEUG, ma licence, puis ma maîtrise de portugais. Mais au moment de passer mon Capes, j’ai réfléchi, parce que, entretemps j’avais déjà eu mes deux filles, je m’étais mariée, et comme nous n’étions pas très riches, mon mari et moi, il fallait travailler ! Je me suis mariée avec un Portugais, mais ce n’était pas une volonté communautariste, je l’ai rencontré sur mon lieu de travail lorsque je travaillais à la Banque franco-portugaise, qui s’était installée à Bordeaux, et qui avait pour but de s’occuper essentiellement des Portugais. Donc, à la fac, mon mari était le seul avec un salaire fixe, moi j’étais étudiante. Je prenais des emplois en CDD dans différents domaines, chez un expert-comptable, un assureur, pour améliorer notre quotidien. À la maison, avec ma deuxième fille qui était très petite, j’ai décidé de passer le CAP Banque, et j’ai ensuite cherché. J’ai trouvé un travail chez un assureur, qui avait besoin de quelqu’un qui soit bilingue. Et puis un jour j’en ai eu un peu assez, parce que le travail était intense, et le salaire était toujours très maigre, avec des promesses d’amélioration qui ne venaient pas, donc un soir, agacée, je suis rentrée, et j’ai envoyé des CV, à trois banques. Je suis allée passer des entretiens, dans un cabinet spécialisé de recrutement, et c’est ainsi que j’ai démarré un parcours qui dure maintenant depuis vingt ans à la Caisse d’Épargne. Actuellement, je suis directrice d’agence.

Rosalina, vous avez évoqué votre vie professionnelle, mais dites-nous en davantage sur vos liens avec la communauté portugaise.

Les liens ont toujours existé et existent toujours. Lorsque j’étais au collège, c’est là qu’a commencé ma double vie associative. L’association “O sol de Portugal” est née. Je vivais le Portugal en famille, lorsque je partais en vacances au village, en découvrant des chansons traditionnelles du pays, des danses traditionnelles à travers l’association. Et aussi en apprenant la langue au collège, puis au lycée. À l’époque, le Portugal était synonyme de vacances, de plaisirs, tout allait bien, il n’y avait pas de travail, mais je me rendais compte que les personnes vivant au Portugal avaient beaucoup de difficultés et lorsqu’on leur ramenait de petits objets d’ici, ils étaient très heureux parce que le Portugal était encore à un stade très arriéré par rapport à la France. Ça faisait sept ans que nous bénéficions ici en France de l’électricité, de l’eau courante, et quand on repartait au village, il fallait aller chercher l’eau à la fontaine dans les cruches, s’éclairer à la bougie… ici on utilisait le fer à repasser électrique, là-bas c’était encore le fer à braises. Il y avait un énorme décalage, nous étions conscients que là-bas, la vie était encore difficile pour les gens du village que nous aimions, on essayait donc de les aider un petit peu par des tas de choses qu’on leur amenait et en échange, pour nous remercier, ils nous donnaient de petites choses du quotidien, des oignons, des pommes de terre pour le mois… Je retourne tous les ans dans mon village natal visiter mes parents, les gens qui sont encore là que je connais. Et puis par ailleurs, comme je suis mariée avec un Portugais, qui lui-même est aussi très attaché au Portugal et à nos racines, on a décidé de construire une petite maison, comme les Portugais, traditionnellement !

Nous étions conscients que là-bas, la vie au village était encore très difficile. Et donc on essayait de les aider un petit peu en amenant des tas de choses… Donc quand on partait de France, on était extrêmement chargé… on avait toujours nos valises pleines. Pleines de choses à distribuer pour faire des heureux là-bas !

Est-ce que vos enfants parlent portugais ?

Très mal et très peu ! Nous n’avons pas su bien transmettre cela, mais je pense que même pour nous, ce n’est pas si évident, au quotidien, de parler tous les jours portugais. On se rend compte que nous réfléchissons et pensons en français, et les enfants aussi, donc on parle portugais lorsque nous décidons de parler portugais. C’est-à-dire à table, on va se dire, par exemple : “Tiens, nous allons parler portugais maintenant !” Mais ça ne dure pas longtemps parce que, très naturellement le français, à un moment donné, va reprendre le dessus, parce que l’on cherche un mot que l’on ne trouve pas, ou que ça devient un peu compliqué. Mais je ne désespère pas, car ma fille aînée a rencontré son ami en médecine et il est portugais, ce n’est pas fait exprès non plus (rires) et je pense qu’elle va devoir vraiment pratiquer le portugais pour communiquer avec sa belle-mère et son beau-père !

Vous avez renoncée à partir vivre au Portugal depuis un certain nombre d’années ?

En fait, nous n’avons jamais envisagé de partir vivre au Portugal. Nous avons construit une maison, mais je dirais, sous l’influence de nos parents. Lorsque nous nous sommes mariés, nous étions très jeunes et les parents de mon mari se sont un peu inquiétés : “Il s’est marié, sa femme n’est pas de très loin, si jamais il décide d’aller construire la maison du côté de chez elle, que deviendrons-nous, mes terres, ma maison, mes petites forêts, le jour où je décèderai ? Il ne faut surtout pas qu’il vende ! Il faut qu’il construise ici, et pas chez elle !” Ce sentiment est très fort chez les Portugais de la première génération : “Je pars, mais je vais revenir, je pars juste pour améliorer la vie, je vais revenir et ensuite il faut que les enfants continuent à entretenir ce que j’aurai construit.”

Vous-même, vous sentez-vous plus française que portugaise ? Quelles relations entretenez-vous avec le Portugal à l’heure actuelle ?

Moi, j’ai opté pour la nationalité française. Dans ma vie, j’ai vécu réellement sept ans au Portugal, et tout le reste en France. Aujourd’hui, je me sens davantage française que portugaise, mais je suis inévitablement cinquante pour cent portugaise, je vis avec le Portugal au quotidien dans mes pensées, à la fac, dans ma façon d’être et à travers le milieu associatif avec “O sol de Portugal” que j’ai intégré à l’âge de quatorze ans, j’en ai quarante-quatre.

Et quelles sont les actions qui vous semblent prioritaires au niveau de l’association “O Sol de Portugal” Bordeaux ?

Un de nos axes prioritaires, c’est de créer des emplois, essayer d’insérer des personnes qui sont en difficultés, les remettre sur les rails, les aider pendant deux ans, avec aussi des contrats aidés pour nous et ensuite de leur permettre de repartir dans la vie avec plus de facilités. C’est aussi de nous occuper des enfants dans les écoles, par rapport au soutien scolaire et continuer à transmettre et à faire connaître la culture portugaise. Je pense que j’ai beaucoup de chance d’avoir des origines portugaises, d’être toujours en lien avec le Portugal et de vivre en France. La France nous a beaucoup apporté. Je ne sais pas comment j’aurais pu évoluer si nous étions restés au Portugal. En même temps, je trouve que nous avons beaucoup de complémentarités entre le Nord du Portugal et l’Aquitaine.

Je tiens à remercier nos parents qui ont fait cet effort d’immigration important et intense, à l’époque. Eux ils ont vraiment connu le plus difficile pour nous permettre à nous, enfants issus de cette immigration, d’avoir une vie meilleure. J’ai une pensée vers tous ces immigrés qui ont fait le premier pas, pour apporter du renouveau au pays, et améliorer le quotidien de leurs enfants.

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Interviewer : Raymond Arnaud

Lieu : Pessac

Date : 27 avril 2009

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