La révolution des Œillets est sans doute un des évènements les plus marquants de l’histoire contemporaine du Portugal. La révolution pacifiste renverse l’Estado novo (1933-1974), en une journée, le 25 avril 1974. Les Portugais de France voient, de loin, le démantèlement de plus de 40 ans de dictature.
À l’aube de la révolution des Œillets, le Portugal mène une guerre, de plus en plus impopulaire, avec ses colonies africaines. Environ 40% du budget de l’Etat portugais est réservé à la guerre. Face à une guerre qui paraît sans fin et qui provoque l’exode massif d’insoumis, la révolution se rapproche.
La révolution des Œillets est un coup d’État militaire orchestré par le Mouvement des forces armées (MFA). Le MFA est né durant l’été 1973, de capitaines qui ont fait la guerre dans les colonies portugaises. Jeunes et issus et classes sociales plus modestes que leurs prédécesseurs, ils se sentent proches de leurs soldats et de la population portugaise. Le mécontentement des militaires initie une contestation du pouvoir, incarné par Marcelo Caetano depuis 1968. L’ambition corporatiste du MFA se transforme rapidement en une vision révolutionnaire.
Pour changer le système militaire et arrêter la guerre enlisée dans les colonies, il faut renverser le pouvoir. Caetano, malgré la libéralisation économique du Portugal, s’accroche aux colonies portugaises. Dans la nuit du 24 au 25 avril 1974, les militaires se dirigent vers Lisbonne. Cette fois-ci, contrairement aux précédentes tentatives de coup d’Etat, les soldats suivent le mouvement. Ils ne rencontrent aucune résistance. Partis avec armes et chars d’assaut, ils se retrouvent face à des troupes qui changent de camp et les rejoignent.
Les forces armées censées protéger les défenseurs de la dictature ne veulent plus de ce régime impopulaire. Au cours de la journée, la population se rallie aux insurgés. Les spectateurs deviennent acteurs de la révolution, ils donnent de la nourriture et des accès aux militaires pour favoriser leur position dans Lisbonne. L’Etat est renversé au cours de la journée : le MFA a gagné. La révolution se fait sans échanges directs de tirs entre le MFA et le gouvernement portugais. Quelques civils sont touchés après avoir lancé des pierres sur le siège de la PIDE. Un seul mort est dû aux hommes du MFA.
La musique « Grândola, Vila Morena », de Zeca Afonso, déclenche le déploiement des troupes pucthistes en direction de Lisbonne. Cette chanson qui dénonce l’Estado novo est diffusée sur la « Rádio Renascença » à minuit vingt.
En France, les Portugais qui ont fuit l’Estado novo, le service militaire, la misère et la répression de la PIDE, ont vent de la révolution en cours. L’évènement est largement couvert par les médias français.
L’annonce de la révolution crée une réelle effervescence pour une partie des émigrés. Certains défilent, le 1er mai, dans des cortèges syndicaux en France pour célébrer l’arrivée de la démocratie. D’autres se rendent à Lisbonne fêter le 1er mai dans leur pays d’origine, libéré du joug de l’Estado novo.
« Le 25 Avril 74 va permettre à mon peuple de retrouver la liberté et au Portugal de trouver la démocratie. C’est la chute du fascisme. Et, parce que je suis parti pour fuir le fascisme, c’est, pour moi, un moment merveilleux ! »
A la suite de la révolution des Œillets, un grand nombre d’actions culturelles sont menées en France. Les associations communiquent sur la révolution portugaise et organisent des évènement à l’échelle nationale : des réunions d’information pour faire connaître la révolution, des galas de solidarité, des concerts, des débats et des meetings. La révolution libéralise et fait valoir, en France, la culture, l’histoire et l’actualité du Portugal.
Des émigrés observent avec davantage de méfiance le révolution qui se déroule au Portugal. L’émigration portugaise est marquée par une foi chrétienne importante, certains d’entre eux prennent peur face à une révolution perçue comme communiste. Par ailleurs, ils craignent pour leurs biens au Portugal. Les rumeurs qui se développent dans les villages portugais inquiètent. Les banques portugaises ont un discours alarmant car elles se sentent menacées par une possible nationalisation. Les émigrés pensent que le changement de régime peut leur faire perdre leurs terres et leurs biens immobiliers, ils redoutent les réquisitions. Bien que la révolution soit célébrée, la peur du désordre crée de la méfiance face à des évènements observés depuis la France.
« Alors pour ma famille et pour tous les immigrés que je connaissais ici, c’était l’horreur. Ça y est… les rouges allaient débarquer et ils allaient saccager les églises, tuer les vieux, le pays allait être à feu, à sang. Pour eux, les communistes c’était la peste ! «
Face à ces inquiétudes, l’Etat portugais tente de rassurer ses émigrés. Les mois qui succèdent à la prise de pouvoir du MFA, une politique d’information est menée pour les émigrés, par le MFA et le secrétariat d’Etat à l’émigration. Les publications et journaux informatifs à destination des Portugais à l’étranger ont pour but de lutter contre la désinformation et de faire valoir la politique du nouveau régime.
Depuis la révolution, le 25 avril est célébré par les Portugais ainsi que par les émigrés et les descendants d’émigrés. Les associations portugaises et françaises commémorent ce jour comme le étant le jour du Portugal : de l’avènement de la démocratie, de la culture portugaise, de son histoire et aussi de sa mémoire. De nombreux évènements ont lieu, chaque année, à l’échelle nationale.
La révolution des Œillets a aussi pénétré les représentations collectives. Le film « Capitaines d’avril » (2001),de Maria de Medeiros relate la révolution des Œillets de la journée du 24 au 25 avril 1974. Ce succès critique permet de diffuser et de pérenniser la mémoire d’un journée tout à fait particulière