Direction Départementale de la Cohésion Sociale
Chargé de la Politique de la Ville (64)
Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des défenseurs de l’accueil et des droits des personnes migrantes, un entretien avec M. Bernard Pujol (DDCS 64), avait été réalisé le 11 avril 2014, à Pau (64). Vous trouverez un résumé de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale en cliquant sur bouton ci-dessous.
FARA POHU – Comment devient-on chargé de mission à la politique de la ville ?
BERNARD PUJOL – De 1983 à 1993, je travaillais à Paris, mis à disposition d’une organisation syndicale. En octobre 93, j’ai été muté à Bordeaux. Les responsables du corps préfectoral étaient embêtés qu’il leur arrive un responsable syndical, en particulier du niveau national. Il ne voyait pas très bien quelles fonctions il pouvait m’attribuer. J’ai été nommé à la politique de la ville à la suite d’une mutation d’un collègue au service de la réglementation. A l’époque, des dispositifs de DSQ, Développement Social de Quartiers, étaient mis en place. On rentrait dans ce qu’on appelait “les contrats de vie”. Mon chef m’a dit : « Pour l’instant, votre principal job va être d’assurer le fonctionnement du binôme qui ne s’entend pas entre la Direction Départementale de l’Equipement et celle des Affaires Sanitaires et Sociales. » L’une suivait l’urbain et l’autre le social.
Y’a toujours débat entre l’optimisme de la volonté et… le pessimisme de la raison…
C’était passionnant professionnellement mais frustrant, parce qu’on n’est qu’un maillon. Parfois, on quitte le cadre professionnel pour le politique. Il y a toujours débat entre l’optimisme de la volonté et le pessimisme de la raison. Par moment, on souhaiterait que les choses aillent plus vite. Mais en même temps, avec l’expérience, on se dit qu’il faut du temps ! Il faut l’accepter et c’est parfois pénible, parce qu’en tant que fonctionnaire, le temps, on l’a ! Si je peux dire. Par contre, les habitants dans les quartiers, eux, le temps, ils ont du mal à le gérer. Ils voudraient que les choses aillent beaucoup plus vite. Mais nous, on se méfie de vouloir aller trop vite !
Quels sont les grands axes menés dans le cadre de la politique de la ville à Pau ?
La politique de la ville concerne trois territoires : l’agglomération paloise, bayonnaise et la ville de Mourenx. À des échelles, c’est sûr, différentes. Par exemple, la cité de Ousse des Bois intègre le quartier du Hameau, qui a toujours constitué la priorité. On a eu beaucoup de souci avec ce quartier d’habitats de mauvaise qualité. Il y a eu le programme de rénovation urbaine. On est passé de la nuit au jour. Et c’est vingt ans de travail ! Disons quinze ans parce que ça fait quelques années que des choses ont démarré, mais le vrai changement du quartier est maintenant. La rénovation urbaine est ce qui coûte le plus cher et a un effet pervers auquel sont sensibles les décideurs : le social est moins visible. C’est donc plus long à mettre en œuvre. Un bémol concerne l’objectif de mixité de population. A Ousse des Bois, on n’y est pas vraiment arrivé, en tout cas au sein de la cité, même si des changements de population sont intervenus en périphérie. Mais un point positif est l’amélioration de la sécurité sur le quartier. Il y a toujours des violences urbaines et il faut être vigilant, mais on n’est plus à la même échelle. C’est le travail de la police, de la justice mais c’est aussi celui mené par des associations. Le contrat local de sécurité, avec des cellules de veille, permet d’être dans le réactif, avec des médiateurs sur place qui font passer des messages soit pour anticiper la crise, soit au moment de la crise pour calmer les choses.
Dans ce quartier de Ousse des bois, quel était le problème majeur en dehors de l’habitat ?
C’était l’emploi. On a toujours une très grosse difficulté à avoir des chiffres fiables sur ce quartier. Selon les dernières informations, on serait sur un taux de chômage de l’ordre de 29-30%. C’est à prendre avec des pincettes mais on sait qu’on est sur un des quartiers où il y a le chômage le plus élevé. Ça a été un souci constant des services de l’Etat et de la collectivité. Les niveaux de formation et de qualification sont extrêmement bas, ce qui rend les choses encore plus difficiles. Mais, par un certain nombre d’initiatives de la politique de la ville, et avec l’investissement de Pôle Emploi, des Missions locales et de la DIRECCTE, on a réussi à éviter que le taux de chômage monte trop haut. On a créé un club emploi-développement sur le quartier, une espèce de maison de l’emploi. C’est une initiative qui date maintenant de plus huit ans et qui est venue en complément de l’action de Pôle Emploi et de la Mission locale. Elle regroupe des professionnels et des médiateurs qui peuvent suivre plus facilement les jeunes de ces quartiers, et y consacrent plus de temps en ayant un portefeuille moins développé. Lorsqu’un jeune ne se rend pas au rendez-vous, à la place de le radier, ils se rendent au pied de leur immeuble pour discuter et tenter de les faire revenir. Cette association est devenue une référente par rapport aux employeurs. Elle a un réseau d’entreprises avec lequel elle connecte les demandeurs d’emploi. A l’embauche, elle assure un accompagnement du jeune pour que les choses se passent bien. On a également créé à l’intérieur du Pôle Emploi-développement du Hameau un service de création de projet, le Cité-lab, qui a un label Caisse des Dépôts et Consignation. C’est une personne qui a pour mission d’aider à la création d’activités. Les résultats sont positifs : chaque année on a une vingtaine de créations sur le quartier et surtout, sur les activités créées il y a trois ans, 75% sont toujours en activité.
Nous avons aussi participé à la redynamisation du marché du samedi aux halles de Pau, notamment sur l’initiative de l’architecte Philippe Padré. Nous avons réalisé une grande campagne médiatique. Radio Penousse (?), une radio locale, tenait un stand. Il y avait aussi des stands de musique, jeux, de sport comme celui du club de boxe qui avait un ring installé. Puis, en quelques mois, on est passés de vingt stands à trente-cinq stands, et maintenant, il y a une liste d’attente. C’est aussi un marché qui a la réputation d’être extrêmement peu cher. Petit à petit, le bruit s’est répandu, et donc vous avez une clientèle mixte avec un brassage de population. Certains arrivent avec leurs spécialités landaises ou béarnaises et côtoient les spécialités maghrébines. Au premier anniversaire du marché, on m’avait gentiment tendu le micro. J’avais dit qu’il fallait croire aux choses parce que [rires]… je n’aurais pas parié un kopek sur la réussite de ce marché. Comme on disait tout à l’heure :
Optimisme de la volonté, pessimisme de l’intelligence. A un moment donné, il faut y aller, et on verra bien si ça marche.