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Felisbina SEIXAS

Felisbina Seixas
Portugaise en Aquitaine
Née en 1954

Felisbina SEIXAS
Felisbina SEIXAS
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Les séquences

Interviewer : Bernadette Ferreira

Lieu : Bizanos (64)

Date : 15 septembre 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès de l’immigration portugaise en Aquitaine, un entretien avec Mme Felisbina Seixas a été enregistré le 15 septembre 2009 à Bizanos (64). Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

FELISBINA SEIXAS – Je suis née à Vilar de Nantes, près de Chaves, en 1954. Chaves est dans la région de Tras-os-Montes, très près de la frontière de l’Espagne. Mon père était potier et ma mère était femme au foyer. Mes parents ont eu neuf enfants, 8 filles et 1 garçon.

BERNADETTE FERREIRA – Et pour quelles raisons avez-vous quitté le Portugal ?

Ma sœur était à Saint-Sébastien et je voulais la rejoindre. Je suis donc partie là-bas… Je ne parlais pas du tout l’espagnol. A l’origine, ce départ ne devait pas durer, mais je suis restée finalement, pour étudier et travailler. Je devais avoir 16 ou 17 ans. Le fait de quitter la famille était quelque chose de naturel, c’était dans les mœurs.

Et qu’avez-vous ressenti quand vous avez quitté le Portugal ?

À vrai dire au départ, c’était comme une aventure et puis il y a eu des moments d’angoisses, de solitude, de manques. Mais je me suis quand même adaptée assez rapidement à la vie du Pays Basque malgré ce que l’on racontait sur les Basques, soi-disant hermétiques et renfermés. Je suis restée 7 ans. Ensuite, je suis arrivée en France, dans la région de Pau, rejoindre un Français que j’avais connu à Saint-Sébastien. J’avais un peu appris la langue en Espagne.

Je trouvais que les Français avaient une image « cliché » des Portugais. J’étais devenue un peu agressive par rapport à cette image misérabiliste que j’avais l’impression que les Français avaient des Portugais.

Et comment avez-vous ressenti votre accueil en France, comment ça s’est passé pour vous

C’était un peu étrange. Je n’ai eu aucun problème d’accueil ni d’intégration, mais j’ai trouvé par contre que les Français avaient beaucoup de clichés en tête sur les Portugais, et ça me contrariait énormément. Du coup, je me suis impliquée pratiquement dès mon arrivée en France dans le milieu associatif pour essayer de casser l’image du “travailleur portugais misérable”. J’étais dans une association qui travaillait vraiment à diffuser la culture portugaise, et pas seulement une association “folklorique”. Nous faisions un travail de pression sur le gouvernement portugais pour qu’il envoie des instituteurs en France et du gouvernement français pour qu’il assume l’accord bilatéral. Nous organisions aussi des semaines culturelles où il y avait des représentations de théâtre, de la musique, des expositions, de la littérature…

Est-ce que vous revenez souvent au Portugal ?

J’y retourne au minimum deux à trois fois par an. Je me souviens que la première fois, il y avait une certaine angoisse et une émotion parce que jusqu’à Benavente c’est l’euphorie, on revient au Portugal, on revient voir la famille et puis quand on arrive vers la Galice ce n’est plus seulement la famille c’est les odeurs, les paysages, les racines… on entend la langue, le son de la langue, la mémoire remonte…

En quoi le Portugal a changé depuis ces 30 dernières années ?

La vie est différente, les maisons sont différentes. Il y a eu une évolution dans les vieilles maisons, petites à l’origine, qui sont devenues de grandes maisons. Auparavant, on ne remarquait que les maisons des “Français” et maintenant, ce sont les maisons des Portugais, de belles maisons.

Les maisons des « Français » ?

Oui, là-bas, on disait les maisons des « Français » mais en réalité, c’étaient les maisons des Portugais qui vivaient en France. Dans les cafés aussi les choses ont changé : ce ne sont plus des lieux réservés qu’aux hommes, les femmes les fréquentent, elles sortent de leurs maisons. L’image même des Portugais de là-bas vis-à-vis des Portugais en France a changé. Les choses évoluent dans le bon sens.

Depuis 93, je milite avec l’objectif de favoriser des échanges… et de mettre en lumière la richesse de la culture portugaise et lusophone.

Est-ce que vous pensez que ce sont des associations comme celle à laquelle vous appartenez, qui ont contribué à changer cette image de l’immigré portugais, gentil et travailleur ?

Je pense que les associations ont contribué un peu mais pas seulement. Il ne faut pas croire que l’on fait des miracles. Je pense que c’est l’évolution de la société elle-même que ce soit ici ou là-bas et je pense aussi que le fait que les Portugais en France regardent la télévision portugaise a modifié leur regard sur le pays.

Et vous, en tant que femme portugaise vivant en France aujourd’hui, comment voyez-vous les femmes portugaises d’aujourd’hui ?

Je pense qu’en tant que femme, il n’y a aucune différence par rapport à celles qui sont restées là-bas au Portugal. Personnellement, je ne ressens aucune différence, ni aucune animosité de leur part.

Donc, le machisme a disparu au Portugal ? [rires]

Je n’irais pas jusque-là [rires], mais je pense que le sentiment du machisme dépend de la personne elle-même. Personnellement, je n’ai aucun complexe par rapport à l’homme et s’il y a des réactions d’animosité, elles ne m’atteignent pas. Je pense que c’est aussi à nous d’agir face à ces réactions.

Est-ce que dans le cadre de votre association, vous avez des débats sur l’identité portugaise et l’identité française ?

Nous organisons depuis des années tous les ans ce que l’on appelle les espaces de la lusophonie. Nous faisons régulièrement des rencontres autour du cinéma, des présentations de l’actualité cinématographique lusophone, pas seulement portugaise mais brésilienne, cap-verdienne, angolaise, mozambicaine, etc. Et dans ce cadre-là, on essaie de dégager des thèmes et des débats selon les films.

L’histoire, notre propre histoire, quelques fois, elle est plus difficile à accepter que celle des autres…

Est-ce qu’il y a des débats, ou plutôt des sujets qui sont plus délicats que d’autres à aborder par la communauté portugaise présente ici ?

Ce qui est curieux c’est que l’on dirait que l’histoire, notre propre histoire, est plus difficile à accepter que celle des autres. Je me souviens avoir évoqué “la photo déchirée”, film de José Vieira. Quand j’ai proposé ce documentaire, une personne immigrante a dit que ça n’intéresserait personne. Je lui ai montré le documentaire avant de le présenter dans le cadre du cinéma, et sa femme l’a trouvé très intéressant : “C’est vraiment notre histoire, tu vas me le prêter pour le montrer à mon fils, parce qu’il y a des choses qu’il ne croit pas”, a-t-elle dit. C’est curieux comme certain ont du mal à regarder leur propre histoire, comme s’ils ne voulaient pas toucher à une blessure, une blessure qui fait mal encore.

Et aujourd’hui toujours dans le cadre de votre association est-ce que vous trouvez qu’il y a plus de monde qui s’y intéresse, est-ce que votre public s’élargit ?

Un de nos objectifs était d’impliquer des jeunes, lusophones, qui étaient complètement hermétiques à tout ce qui était milieu associatif lié à la communauté portugaise. Et cela fonctionne, ils se déplacent et s’intéressent. Ils viennent voir des films en langue portugaise que ce soit brésilien, cap-verdien, entendre la langue, le son de la langue est très important, c’est la langue qui nous lie.

Le regard… souvent, je reconnais les Portugais pas par les clichés que les gens véhiculent, mais par le regard. Il y a quelque chose de profond dans le regard des gens !

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