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Jocelyne VINHAS

Jocelyne Vinhas
Portugaise en Aquitaine
Née en 1964

Jocelyne VINHAS
Jocelyne VINHAS
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Les séquences

Interviewer : Raymond Arnaud

Lieu : Pessac

Date : 27 novembre 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès de l’immigration portugaise en Aquitaine, un entretien avec Mme Jocelyne Vinhas a été enregistré le 27 novembre 2009 à Pessac (33). Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

JOCELYNE VINHAS – Je suis née en 1964 à Bordeaux, mais d’origine portugaise puisque mon père est arrivé dans les années 60, du Nord-Est du Portugal, de Guarda, précisément. Il avait commencé à faire des études et ne voulait pas du tout faire le service militaire. Nous étions sous le régime de Salazar et mon père avait envie de travailler dans un pays libre. Il est donc parti avec quelques étudiants de Porto, à pied. Il avait 24 ans. Il était issu d’une fratrie de 4 enfants et ces garçons avaient tous décidé de venir en France. C’était un peu l’Eldorado à cette époque. Cela signifiait trouver un travail et avoir une vie plus paisible que celle qu’ils avaient au Portugal. Sa mère était mère au foyer et son père était instituteur. Lui, avait appris à parler le français et il maîtrisait la langue. Ce fut un atout et cela lui permis, ainsi qu’à ses frères, d’avoir des contacts plus facilement.

Papa était quelqu’un, vraiment, de pacifiste. Il avait pas envie de subir les décisions du fascisme, de Salazar. il a donc déserté !

RAYMOND ARNAUD – Vers où est-il parti et avec quel projet ?

Il était avec un ami qui était étudiant à Porto et qui avait déjà séjourné en Gironde. Donc, ils avaient des connaissances, du côté du village de Bazas. Et de là, on leur dit : “Vous savez, dans le Médoc, on cherche beaucoup de main-d’œuvre, allez donc voir !”. Ils ont donc commencé à travailler la vigne, c’était très difficile pour eux, puis il a très vite passé le permis poids lourds et a trouvé du travail dans une entreprise de travaux publics où il a travaillé jusqu’à son décès, à 52 ans.

Quelles étaient à ce moment-là ses relations avec le Portugal, au moment de son arrivée en France ?

Papa était extrêmement pudique, il se livrait très peu à ses enfants. J’apprenais plus de choses finalement par mes grands-parents que par lui-même. Parce que, quelque part, il avait tout de même quitté son pays, et ce devait être une très grande déchirure. Il n’y est retourné que 20 ans plus tard pour les 80 ans de sa maman. Nous même, ses enfants, nous y sommes allés alors que lui ni était pas retourné.

il avait quitté ce pays et, à mon avis, ça avait été une très grande déchirure. Il n’y est retourné que vingt ans plus tard, pour les 80 ans de sa maman. Sinon il n’y avait jamais remis les pieds…

Et comment expliquez-vous ce laps de temps si long qui l’a coupé du Portugal ?

Dans le Médoc, il y avait une communauté portugaise très importante et, finalement, il se sentait un peu chez lui d’autant plus que sa famille avait suivi. Ses parents sont venus le rejoindre, ses frères étaient à Paris, il n’y avait donc pour lui plus aucune raison de retourner au Portugal. Surtout qu’il s’était très bien intégré. Il faisait partie de plusieurs associations, il a intégré rapidement le marathon des châteaux du Médoc, le comité des fêtes. Le fait de parler la langue lui a aussi permis de ne pas être coupé de la communauté. Et puis, il a épousé une Française, sa famille était donc là au complet.

Pour ce qui vous concerne, comment vous situez-vous, dans quelle culture ?

J’ai toujours été très fière d’avoir cette double nationalité, française et portugaise. Pour mon père, il n’était pas question de renier bien évidemment ses origines et puis avec le nom que nous portions, Vinhas, dans le milieu des vignes de Pauillac, ça ne passait pas inaperçu. Papa disait toujours : “C’est votre richesse, le fait d’avoir à la fois cette culture portugaise et française, vous n’en serez que plus riche et c’est formidable.” Et c’est vrai qu’avec mes frères et sœurs, on a toujours été très attiré par le Portugal, parce que le fait que notre père puisse rester aussi longtemps coupé de son pays, cela nous intriguait. Et nous-mêmes, on a eu envie d’y aller, d’apprendre la langue. Aujourd’hui, je parle couramment portugais, je l’ai aussi inculqué à mes enfants. Très vite enfin, vers l’âge de 24-25 ans, je travaillais alors dans un centre culturel, j’ai souhaité organiser des camps d’ados au Portugal, puisque j’y avais quand même le reste de ma famille, mes oncles et mes tantes, et donc je voulais vraiment faire découvrir aux Pauillacais, cette terre que j’aimais beaucoup et dont j’avais du mal à comprendre pourquoi mon père s’en était détaché à ce point.

J’ai toujours été très fière d’avoir cette double nationalité, française et portugaise… Et j’ai aussi toujours voulu faire découvrir aux pauillacais cette terre que j’aimais beaucoup !

En famille, vous parliez français ou portugais ?

Papa ne parlait jamais portugais devant nous, hormis devant ses parents. Il disait : “Je suis en France donc nous parlons français.” Mais le portugais m’a manqué parce que cet échange, j’aurais aimé l’avoir aussi en portugais avec mon père et je ne l’ai eu qu’avec mes grands-parents paternels évidemment.

Vos oncles et grands-parents étaient installés à Pauillac ?

Oui, mes grands-parents sont restés auprès de mon père. D’abord, ils étaient très âgés et puis je suis née en 1964 et c’est à ce moment-là qu’ils sont arrivés en France pour pouvoir me garder puisque mes deux parents travaillaient. Ils ont tous appris le français. Les enfants ont fait des études en France. Aujourd’hui, ils vivent tous en France. Ils ont une résidence secondaire au Portugal mais tous vivent ici.

Quels sont les souvenirs qui vous restent de vos premiers voyages au Portugal, quelles impressions avez-vous ressenties en découvrant cette terre

 Le Nord-Est du Portugal est une terre aride avec beaucoup de cailloux. J’ai été quand même assez impressionnée, j’ai compris que papa n’ait pas été attiré finalement ou n’ait pas voulu retourner vivre là parce que c’est vrai que ce sont des paysages tristes. Et puis j’ai appris à découvrir les gens, profondément humain, très chaleureux… Mon premier voyage, je crois qu’il m’a marquée pour la vie. J’ai été très impressionnée quand je suis arrivée dans ce petit village et que les oncles et les tantes criaient : “Venez voir, c’est la fille de Clémentino !” – puisque mon père s’appelait Clémentino – et j’ai trouvé ça incroyable, les dames sortaient de chez elles, venaient voir la fille de Clémentino qui était finalement parti, qu’ils avaient beaucoup aimé et dont ils avaient entendu parler sans qu’il n’y ait eu aucun échange ni de courrier. J’ai découvert plein de choses sur mon père, sur son enfance, certains m’ont raconté ce qu’il faisait quand il était adolescent, les sorties qu’ils faisaient entre jeunes, le club de football… pour moi, c’était vraiment extraordinaire parce que j’avais l’impression de découvrir une autre facette de papa que je ne connaissais pas puisqu’il ne se livrait pas.

Pour moi, le Portugal était une terre aride. Puis, petit à petit, j’ai appris à découvrir les gens, profondément humain, très chaleureux. Et ça m’a donné envie de construire un lien entre Pauillac et Guarda !

En allant au Portugal, à ce moment-là, vous étiez plus intéressée par le fait de mieux connaître votre père que de découvrir le Portugal ?

Oui, exactement, mon premier voyage, c’était plutôt ça. Et au fil des années, j’ai vraiment trouvé le pays extraordinaire, et j’ai eu envie de construire un lien entre Pauillac et Guarda, et c’est pour ça que j’ai mis en place des camps d’ados que l’on a fait pendant plusieurs années pour créer des échanges avec les gens de Guarda.

Est-ce que vous fréquentiez la communauté portugaise autour de Pauillac ?

Oui, bien entendu. Papa jouait au football et il était entraîneur. J’en garde un très bon souvenir avec notamment ces grands pique-niques avec toutes les spécialités portugaises que l’on découvrait puisque maman, évidemment, n’en cuisinait pas. Pour nous, c’était vraiment fabuleux de découvrir le pain, leur pâtisserie, la culture gastronomique que l’on ne connaissait pas.

Quels sont maintenant vos liens avec le Portugal, est-ce que vous y retournez régulièrement

Pas suffisamment, pour moi, car j’ai l’impression d’y avoir mes racines. 

Guarda, c’est un pèlerinage pour moi, c’est vrai ! Même si j’y suis pas née, cette terre, j’ai l’impression d’y avoir mes racines… j’y suis vraiment attachée !

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