Valentine Belaud
Républicaine Espagnole
Née en 1925
Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux sur les Républicains espagnols engagés dans la Résistance, un entretien avec Mme Valentine Belaud, fille de « La Ganuza », a été enregistré le 8 juillet 2009 à Cenon (33). Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page.
VALENTINE BELAUD – Je suis née en 1925, rue Sainte Catherine à Bordeaux, mais à ce moment-là, ma mère ne faisait pas de de résistance. Elle a commencé à en faire quand les républicains sont rentrés en France. Elle allait avec d’autres personnes chercher à la gare les femmes réfugiées qui arrivaient avec leurs enfants… Les hommes étaient arrêtés à la frontière et amenés dans les camps, à Gurs dans les Pyrénées, par exemple. Un jour, ma mère a amené une quinzaine de personnes chez nous, et c’est là qu’elle a vraiment commencé à agir pour la Résistance et les républicains.
MARIANNE BERNARD – Votre maman est née en Espagne ?
Ma maman était de Madrid et mon papa était d’Estella. Vu que mon grand-père paternel était poursuivi par la police parce qu’il était républicain, la famille de mon père s’est exilée en France, à Bidart. Sa mère travaillait à l’hôtel Miramar de Biarritz, et même devenue veuve elle y est restée, avec ses enfants, à l’exception de mon père. Un de ses frères est donc venu le chercher pour travailler au pays basque. Il a ensuite rencontré ma mère à Biarritz et ils se sont mariés à Bidart. Mon père a ensuite était engagé comme cuisinier par un ami qui ouvrait un restaurant à Bordeaux. Ils ont ainsi trouvé ce logement au 233 rue Sainte-Catherine, un mois avant que je naisse !
Votre maman a été contactée par la Résistance ou c’est elle qui a fait la démarche ?
Elle n’a fait aucune démarche. Elle a travaillé pour les résistants français comme espagnols. Elle recevait dans notre boîte aux lettres des messages codés pour annoncer la venue de personnes à cacher chez nous ! Moi aussi j’ai porté des messages en Espagne un peu plus tard, des messages cachés dans mes affaires ou même dans une peluche !
Ma mère, elle accueillait ces résistants pour qu’ils organisent ensuite des réunions et planifient leurs actions. Un jour, j’ai d’ailleurs refusé d’ouvrir à un homme qui voulait voir ma mère. Je le prenais pour un policier, mais c’était bien un résistant… Monsieur Carillo, un dirigeant du parti communiste en Espagne ! Et bien il a passé deux jours à dormir dans l’escalier !
Un jour, les Allemands sont venus chez nous pour tenter de trouver un monsieur Lopez, après qu’un baraquement de la poudrerie de Saint-Médard ait sauté. Il n’était pas chez nous, mais j’ai eu très peur. Sinon, habituellement, on servait de points de chutes à des républicains espagnols, on les cachait, mais on essayait d’en savoir le moins possible, pour ne pas parler si on était prises… Je me souviens d’un commandant, il s’appelait Marta, il m’avait laissé sa valise avec ses papiers, son uniforme et tout son argent… en monnaie républicaine ! Inutilisable, mais ça fait un souvenir.
Après la guerre en France, après la résistance, elle a aidé les républicains qui étaient restés là-bas ?
Elle y est allée deux fois. Elle est restée sur Bordeaux, elle a travaillé ici. Elle portait des messages, des lettres. Moi aussi je l’ai fait, à Vitoria. Pour porter ces messages discrètement, il fallait inventer des histoires, même à la famille en Espagne, parce que certains étaient franquistes ! Par exemple, je leur disait que je venais faire tailler un costume pour mon mari en quelques jours…
Et vous circuliez librement comme ça de la France à l’Espagne… ?
La première fois, il fallait une lettre d’appel. C’est mes oncles qui me l’avaient faite. Et après, pour les Français, le passage était libre. Pour les Espagnols, ce n’était pas pareil, surtout après la guerre… Les espoirs de libérer le pays du fascisme se sont vite envolés, ceux qui y retournaient étaient pris à la frontière et emprisonnés dans des camps ou tués… Quelle déception.
Quels sont les liens que vous avez conservé avec l’Espagne ou votre famille après la mort de Franco ?
Après la mort de ma tante, je n’ai plus eu de liens avec ma famille en Espagne… Ma mère est venu vivre chez nous plus tard. Mais c’était comme si on l’avait déracinée. La vie de ma mère c’était rue Sainte Catherine.
Retrouvez tous les détails historiques et faits marquants de ce témoignage ci-dessous.