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M’Barek AKANAÏS

Ancien combattant marocain
Né en 1923
Engagé en 1943
Arrivé en France en 2001

M’Barek AKANAÏS
M’Barek AKANAÏS
/
Les séquences

Interviewer : Joël Guttman
Traducteur : Ahmed Nokri
LieuFoyer ADOMA, Bordeaux
Date : 23 octobre 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des anciens combattants marocains, un entretien avec M. M’Barek Akanaïs a été enregistré le 23 octobre 2009 au foyer Adoma. Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

JOËL GUTTMAN – Alors, on va commencer par parler de la période avant votre engagement militaire et par une question toute simple. Quand et où êtes-vous né ?

MBAREK AKANAIS – Je suis né à Khémisset.

Et que faisiez-vous avant de vous engager ?

De l’agriculture. À l’époque c’était très, très dur. Mais depuis l’indépendance ça va mieux. Je cultivais le blé… et c’est tout ! Mais c’était vraiment dur… on se levait dès l’aube et on travaillait jusqu’à la tombée de la nuit.

Comment vous avez entendu parler de la possibilité de pouvoir s’engager militairement ?

Il y avait des crieurs, il y avait le responsable de l’époque qui avait une cloche et qui demandait, « Qui c’est qui veut s’engager, qui veut s’engager ? ». Je suis parti à Meknès, et je me suis engagé ! À l’époque j’avais 20 ans. La famille n’était même pas au courant, personne n’était informé. C’était en 1943.  Après l’engagement, on a commencé l’instruction à la montagne.

Le responsable de l’époque avait une cloche et demandait « qui c’est qui veut s’engager, qui veut s’engager… ? »

Ensuite, à quel moment et sur quels lieux d’opérations avez-vous été mobilisé ?

Nous avons débarqué du Maroc en Tunisie. Et de la Tunisie, en Italie, directement. Là-bas, en Italie, il n’y avait que de la neige et on ne pouvait que se déplacer que par groupe. Et un groupe, soit il est vivant, soit il est liquidé… donc quand il est vivant, il revient à la base… S’il ne revient pas…

En Italie j’ai été blessé, on m’a amené à Naples et après je suis revenu à Paris, puis on m’a remis sur le circuit. J’ai été blessé à la jambe gauche. Après les soins, ils m’ont dit, « Vous êtes en forme donc vous pouvez revenir ». Ils m’ont dit, « Tu reviens aux barouds », donc je n’avais pas le choix, tu ne peux pas dire non… Donc je suis revenu ! Après, on est allé en Autriche, de l’Autriche en Allemagne et après, sur la frontière Suisse. C’était en 1947.

En 47, il y avait l’armistice, donc plus de « barouds », plus de guerre. Après c’était la préparation de l’Indochine. À l’époque, celui qui voulait se réengager se réengageait, chacun était libre. Moi, par trois fois un colonel m’a demandé de me réengager, en me disant que j’avais la capacité du « baroud », le courage et tout… Et trois fois, j’ai refusé, j’ai dit non. Donc en 47 je suis parti de l’armée et retourné au Maroc. J’ai de nouveau travaillé dans l’agriculture, donc le blé, l’orge…

J’ai été blessé à la jambe gauche. Après les soins, ils m’ont dit : « vous êtes en forme donc vous pouvez repartir »… Donc je n’avais pas le choix, je ne pouvais pas dire non…

Vous êtes-vous marié ? Avez-vous eu des enfants ?

Quand j’étais militaire, je n’étais pas marié. C’est après ma sortie des militaires que je me suis marié. J’ai trois filles, qui sont mariées, et qui habitent à Rabat.

Quand êtes-vous venu en France ?

Ça fait huit ans que je suis là en France. Je démarre la neuvième année… au foyer Adoma…

C’est au Maroc, à Casablanca, que j’ai su que je devais venir en France pour toucher une pension. Là-bas, il y avait un bureau qui s’occupait des anciens combattants et c’est eux qui nous ont dit que nous devions aller à Bordeaux. Quand on a eu cette information, la famille a dit, « Oui, oui ». Pour nous, c’était logique, parce que quand on nous a dit de nous engager, on n’a pas dit non ! Pour la pension c’est pareil, il fallait pas dire non !

Au Maroc, je vivais un petit peu de l’agriculture, de l’élevage des bêtes… mais c’est vrai qu’on est venu ici pour la pension. On a été bien accueilli. On nous a donné un lieu où dormir, avec les couvertures et tout, et on nous a donné à manger. Après, on nous a dispatché, parce qu’il y avait beaucoup d’anciens combattants, et ensuite nous nous sommes tous rencontrés.

On a été accueillis, en effet, on a été bien accueillis. On nous a donné là où dormir avec les couvertures et tout, à manger.

Et là, quel est votre souhait le plus cher ? C’est qu’on puisse vous octroyer une pension militaire et pouvoir rentrer au Maroc ?

Moi ça m’est égal, c’est pareil… ici ou là-bas, c’est pareil.

Comment vous informez-vous sur l’état d’avancement du dossier ? Est-ce que vous avez un avocat, est-ce que vous fréquentez des associations comme ALIFS, ou est-ce que vous en discutez entre anciens combattants, entre vous ?

On attend, on n’a pas d’avocat, on n’a pas d’association, on est dans l’attente, nous n’avons rien ! On raconte… On raconte, mais pour le moment on n’a rien ! Même si on nous a dit qu’on va avoir nos comptes et qu’on allait rentrer, pour le moment, il n’y a rien ! Donc on attend…

Vous touchez combien de pension militaire au jour d’aujourd’hui ?

En tant que combattant, je touche 250 euros, à peu près.

Comment vous occupez vos journées à Bordeaux ? C’est quoi vos journées types ?

Moi, je reste ici, il n’y a que les autres que l’on amène dans les bus aller visiter un petit peu. Nous on reste ici… et les discussions qu’on a, c’est avec ceux qui sont autour. Nous discutons surtout de la vie ici, de la vie là-bas… Nous, on est ici, on vit un petit peu, on envoie là-bas un petit peu d’argent, parce que chacun de nous a quelqu’un de la famille au pays, nos femmes, nos filles…

Qu’est-ce qu’il nous reste ? Pas grand-chose…un jour…un mois…on va mourir… ici…

Quel serait votre souhait aujourd’hui ? Est-ce que vous voudriez rentrer au Maroc définitivement avec votre pension ou pas ?

Moi, je préfère rester là, nous sommes venus ici donc nous restons là ! Ici en France, il y a une fille qui risque de venir pour s’occuper de moi parce que j’en ai besoin. Au niveau de la santé, au niveau de la blessure et aussi parce que je vois mal, j’ai besoin d’aide. Il y a une commission qui s’en occupe. Donc, on est en attente de leur décision… Mais… Qu’est-ce qui nous reste ? Combien de temps ? Pas grand-chose… cela peut être un jour, un mois… et on va mourir… ici…

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Interviewer : Joël Guttman
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