Ancien combattant marocain
Né en 1929
Engagé en 1951
Arrivé en France en 2000
Décédé en 2010
Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des anciens combattants marocains, un entretien avec M. Mohat Belamri a été enregistré le 1er avril 2009 au café Rizana, place Saint-Michel à Bordeaux. Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette interview en cliquant sur bouton ci-dessous.
JOËL GUTTMAN – On va commencer par parler de la période avant votre engagement militaire. Quand et où êtes-vous né ?
MOHAT BELAMRI – Je suis né en 1929 à Khémisset. Avant, je travaillais dans l’agriculture en tant que paysan. Après je me suis engagé dans l’armée française et j’ai fait la guerre du Vietnam, puis après je suis revenu au Maroc.
Comment s’est déroulé votre engagement ? Comment en avez-vous entendu parler ?
Il y avait un crieur qui venait sur le marché et qui recrutait les gens. Et je me suis engagé ! Après j’ai passé deux ans à Meknès et après, on a embarqué depuis Alger pour le Vietnam. Je ne me rappelle pas de la date exacte de mon engagement. Tout ce que je me rappelle c’est que c’était en 1951, pendant la fête de Mouloud (qui correspond à l’anniversaire de la naissance du prophète Mohamed).
Je me suis engagé comme ça… Je travaillais avec mon père à l’époque, puis je suis parti. Ensuite je suis parti au Vietnam. J’y suis resté quatre ans. Je suis ensuite retourné à Meknès, à cause de ma blessure, j’ai été réformé. Cette blessure, je l’ai eu pendant la guerre. Une bataille a duré toute la nuit, six heures ! C’est là que je me suis blessé, c’était dur. J’étais un simple soldat, c’était dangereux et vraiment dur !
Il n’y avait que des tirailleurs marocains. Pas de Français ou d’autres, que des tirailleurs marocains.
À quelles grandes opérations vous avez participé ?
J’étais au Vietnam et on a subi une grande attaque qui a duré pendant six heures, toute la nuit. C’est pendant cette attaque que j’ai été blessé… J’ai reçu une médaille de corps d’armée, la croix de guerre et ensuite j’ai été réformé et je suis rentré à Meknès. C’est la seule guerre à laquelle j’ai participé. La guerre du Vietnam, entre 1951 et 1956. J’ai été rapatrié de Hanoï à Paris, en 1952, et de Paris à Casablanca, puis après de Casablanca à Meknès. C’est à ce moment-là que je me suis fait réformer en tant que « blessé de guerre ».
Quelles étaient vos relations avec les autres soldats ? Dans votre compagnie, vous n’étiez qu’avec des Marocains ou il y avait d’autres nationalités ?
Il n’y avait que des tirailleurs marocains. Pas de Français ou d’autres, que des tirailleurs marocains. Chaque compagnie était à part.
Après avoir été réformé, qu’avez-vous fait ?
J’étais réformé ensuite j’ai travaillé dans la fonction publique, j’étais ambulancier, sur l’Atlas, jusqu’à la retraite. Ce n’était pas très bien payé. C’est l’État qui m’y a affecté. Et j’ai maintenant une décoration royale marocaine.
AZIZ JOUHADI – Comment se déroule votre vie en France ? Comment se passe vos journées ?
Nous, on leur a pacifié le pays, les Allemands sont allés jusqu’ici… mais eux ne s’occupe pas bien de nous ! Eux… la France… Ils ne veulent pas nous aider malgré que nous ayons combattu pour eux, pour leur indépendance… Nous sommes toujours en combat pour nos droits.
JOËL GUTTMAN – Quant à vos relations avec les gens, la population française, y a-t-il un problème ?
La France nous donne une espèce de pension, la CAF… quand on est en France ! Mais quand nous sommes au Maroc, on ne nous donne rien. Avec la population, on se respecte, les gens nous respectent. Si on n’exerce pas de racisme, on ne subira pas de racisme !
La France nous accorde la CAF… quand on est en France ! Mais quand nous sommes au Maroc, on nous donne rien.
De plus, puisque j’ai été réformé et blessé, les gens me respectaient beaucoup. On m’a envoyé une convocation pour venir et c’est la France qui a payé les frais du voyage. Je suis venu directement à Bordeaux, au tribunal, pour régulariser mes papiers. On m’a envoyé au foyer Dany avant d’aller à celui de la SONACOTRA (actuellement ADOMA) au cours du Médoc. Je suis venu tout seul. Je n’avais personne pour m’accueillir à la gare. Je ne connaissais personne… Je n’avais que ma convocation que je montrais aux gens qui me guidaient à leur tour.
AZIZ JOUHADI – Maintenant que vous êtes ici, êtes-vous optimiste pour la régularisation de vos droits ? Désirez-vous rentrer au Maroc ou vivre ici ?
Je veux voir plus souvent ma famille. J’ai fait une demande pour faire venir ma femme, un certificat d’hébergement, vu que je suis réformé et que je ne vois pratiquement plus rien avec un œil, mais on m’a refusé le visa pour ma femme. Ils m’ont dit que le logement était trop petit l’accueillir. C’est vraiment dur d’être seul, sans aide, malgré mon handicap et mon âge.
JOËL GUTTMAN – Votre souhait, c’est de retourner au Maroc ?
Si la situation est régularisée, je repars ! Si la situation reste telle quelle, je reste ici. Mais pour l’instant je dois faire des allers et retours entre la France et le Maroc, pour voir mes enfants et ma femme, puis je reviens, pour ma pension.
Etes-vous confiant pour l’obtention de vos droits ?
On verra, on a fait la demande et on est là. Si on est là, on est là… on est coincé ! On reste là. Merci à vous. Si vous parvenez à nous aider, c’est bien ! Sinon, tant pis…
Je veux voir plus souvent ma famille…
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