Ancien combattant marocain
Né en 1923
Engagé en 1943
Arrivé en France en 1999
Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des anciens combattants marocains, un entretien avec M. Bouabib Berkakech a été enregistré le 6 avril 2009 dans les locaux de l’association ALIFS. Vous trouverez un résumé synthétique de la première partie cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette première partie d’interview en cliquant sur bouton ci-dessous.
JOËL GUTTMAN – On va, dans un premier temps, parler de la période qui précédait cet engagement…
BOUABIB BERKAKECH – Je suis né en 1923 à Fkih Ben Salah, ville tout près de Béni Mellal au centre du Maroc. J’étais paysan. J’étais aisé avec 91 hectares, c’était ma propriété à moi. Mon engagement s’est fait sur un coup de tête, comme ça, en 1943… j’étais jeune et j’ai décidé de m’engager… à l’époque, je me disais que celui qui n’avait pas fait l’armée, il n’avait rien fait…
AZIZ JOUHADI – Comment se passait l’engagement ?
Il y avait un crieur qui venait dans les souks, les marchés hebdomadaires, et qui demandait « Qui c’est qui veut s’engager ? », et les gens s’engageaient volontairement.
Mon engagement s’est fait sur un coup de tête, j’étais jeune et j’ai décidé de m’engager… Parce je me disais que celui qui n’avait pas fait l’armée, il n’avait rien fait…
Après l’engagement, je suis passé par la Caserne de Tadla pour mon premier stage. Après j’étais à Casablanca et ensuite j’ai été envoyé en Tunisie, où je suis resté un an et demi, jusqu’en 1946, pratiquement… Après 46, je suis retourné à Ouazzane. Après, le 3 mai 1947, j’ai embarqué à Oran pour mon premier séjour en Indochine. Je suis resté vingt-quatre mois. Puis retour au Maroc. Je prends ma permission de trois mois là-bas, avant d’embarqué à Oran pour mon deuxième séjour en Indochine, encore pour vingt-quatre mois. C’était en 1950. Enfin, j’ai fait mon troisième séjour, en 53, jusqu’à l’armistice de Diên Biên Phu…
Quels étaient vos rapports avec les autres combattants ? Il y avait d’autres nationalités ou vous n’étiez qu’entre marocains ?
À l’armée, les compagnies, c’était fait de manière à ce que les Marocains soient seuls, les Algériens soient seuls et les Tunisiens soient seuls… donc, il n’y avait pas d’autres nationalités avec nous. Au premier séjour j’étais caporal, au deuxième séjour j’étais sergent, et au troisième, sergent-chef. Il y avait une section qui était sous mes ordres.
Le commandant m’a fait passer caporal. Il a vu que j’étais un bon soldat, vaillant, courageux… J’étais content et fier parce que j’étais vraiment récompensé de mes efforts.
Mon avancement était dû mon état d’esprit. Je n’étais pas peureux, j’étais courageux, volontaire…. Lorsque je montais en grade, j’étais content, j’étais fier, très satisfait, parce que j’étais récompensé de mes efforts. À chaque fois que je montais en grade, j’avertissais ma famille, qui était fière de moi, et en même temps, avec les militaires, on faisait une petite fête, un apéritif. Pour les Européens, il y avait de l’alcool et pour les Marocains, c’était de la limonade. Quand j’ai été sergent-chef, il y avait du champagne pour les gradés européens et de la limonade pour les gradés marocains. Bien sûr, quand on monte en grade, il y a la solde qui augmente, mais aussi on a plus de pouvoir selon le grade, qu’on soit caporal, lieutenant ou capitaine. Donc, selon le grade, on a une stature qui change, c’est normal.
JOËL GUTTMAN – Vous êtes parti en Indochine. Où étiez-vous stationné avant de partir en Indochine ? Comment vous êtes-vous retrouvé la-bas et par quels moyens : avion, bateau… ?
Par bateau. Au premier séjour, j’ai embarqué à Oran, sur le Pasteur, j’allais en Indochine, je suis descendu à Hai Phong. Au deuxième séjour, j’ai embarqué à Oran, sur le Pasteur, et j’ai débarqué à Saigon. Pour le troisième séjour, je suis parti de Mers El-Kébir à Oran, et je suis allé au Tonkin. J’ai débarqué à Hai Phong.
Donc, pour les bateaux que j’ai pris, c’était : premier séjour « Pasteur », deuxième séjour « Skaugum », troisième séjour « Pasteur » et à la fin du contrat en Indochine « Skaugum ». La traversée durait dix-sept jours, et pendant tout le voyage on ne faisait que manger et dormir… Une fois arrivé à Saïgon ou Haïphong, on embarquait dans de petites embarcations jusqu’aux lieux des batailles.
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