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Bouabib BERKAKECH (Partie 2)

Ancien combattant marocain
Né en 1923
Engagé en 1943
Arrivé en France en 1999

Bouabib BERKAKECH (Partie 2)
Bouabib BERKAKECH (Partie 2)
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Les séquences

Interviewer : Joël Guttman
Traducteur : Aziz Jouhadi
LieuALIFS, Bordeaux
Date : 06 avril 2009

Présentation

Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux auprès des anciens combattants marocains, un entretien avec M. Bouabib Berkakech a été enregistré le 6 avril 2009 dans les locaux de l’association ALIFS. Vous trouverez un résumé synthétique de la deuxième partie cet entretien sur cette page, ainsi qu’une retranscription intégrale de cette deuxième partie d’interview en cliquant sur bouton ci-dessous.

Retranscription intégrale

Résumé de l’interview

JOËL GUTTMAN – Qu’est-ce qui vous a marqué en Indochine ? Les campagnes ? Rencontrer des gens différents ? Le climat ?

BOUABIB BERKAKECH –Quand on partait en campagne, on partait pendant un ou deux mois, puis on revenait au quartier général. Et on y restait un ou deux mois jusqu’à notre départ. Avec la population civile, quand on était au quartier général, ça se passait très bien. Mais quand nous étions en période de combat, c’était autre chose. On combattait l’ennemi. Mais il n’y a jamais eu de « morosité » avec les civils.

Aujourd’hui est-ce que vous fréquentez toujours des soldats avec qui vous étiez en Indochine ?

Oui, je rencontre des combattants qui étaient avec moi, et aussi des gradés français. Je les salut, on se fait toujours des accolades pendant les défilés quand je les reconnais… Des capitaines ou des commandants qui étaient avec nous, ils nous connaissent, ils nous reconnaissent… On garde ce contact si spécial !

J’étais en Algérie… J’ai fait quand même un mois de guerre là-bas, à Batna, près du désert… C’était en 1955…

À quel moment vous avez été démobilisé ?

Je suis revenu de l’Indochine à l’armistice. Après j’ai débarqué à Oran. J’ai pris une permission de cinq mois. Et après, je suis allé faire la guerre en Algérie… En 1951, j’étais en Algérie… J’ai fait quand même un mois de guerre là-bas, à Batna, près du désert… C’était en 1955, je suis resté un mois, pour la guerre… En 1956, ils m’ont ramené ici à Bordeaux, je suis resté trois mois à Bordeaux. Après trois mois passé à Bordeaux, j’ai été muté dans l’Armée royale marocaine. Je suis resté dans l’Armée royale jusqu’en 1962, et j’ai démissionné car je commençais à être fatigué. J’étais sergent-chef.

Est-ce qu’on pouvait facilement démissionner ?

Il n’y avait pas de problème. J’ai démissionné et puis voilà ! Par contre je n’ai aucune retraite avec l’Armée royale marocaine. Je n’ai que la retraite de l’armée française. Je touche 90 euros et 30 centimes de retraite… Si on partage ça avec dix personnes, combien ça fait ? Même pas 10 euros chacun…

Après la démission, vous avez repris une activité ?

Je suis retourné au village, à la campagne et j’avais une petite retraite de misère de 800 dirhams. J’ai vendu mes terres, mon bétail, les vaches et tout ça… La retraite de l’armée française, ce n’était pas suffisant pour vivre. C’est pour cela que suis venu en France, pour réclamer une meilleure retraite. Ça fait maintenant onze ans que je suis là, à Bordeaux. Je suis arrivé en 1998, pour obtenir mes droits… Maintenant j’ai une aide de 600 euros par mois… 90 euros de retraite et 600 euros d’aides…

S’ils nous donnent nos droits, on va rentrer au pays. Sinon qu’est-ce qu’on va rester faire ici ?

Comment avez entendu parler de vos droits et pourquoi Bordeaux ?

Je connais pas mal de gens, des anciens combattants qui sont venus ici, et il y en a certains qui se sont fait naturalisés. Eux, ils touchent maintenant quelque chose, et ils m’ont dit, « Qu’est-ce que tu fais ici ? Vous êtes au Maroc, vous touchez rien du tout…Va en France réclamer tes droits ! ».

Je suis donc venu, mais quand je suis arrivé, je ne connaissais personne. Il y avait une personne au foyer Sonacotra chez qui les gens venaient. Il s’occupait de l’établissement… de l’affectation pour un logement ici… C’est lui qui m’a aidé. Je me suis senti obligé de venir en France, car nous vivions vraiment dans la pauvreté. Les gens se moquaient même de moi, ils me disaient que j’avais fait l’armée française, quinze années même, et que je n’avais presque pas de retraite. Un retraité français, il touchait quasiment un million et nous on touchait 90 euros… Voilà ce qui m’a poussé à venir !

Votre désir est de retrouver votre famille au Maroc… ?

Je suis marié et j’ai des enfants. Mais je vends mes terrains, mes terres, pour vivre. Depuis que je suis en France, on me donne une aide de 600 euros. C’est tout…

C’est honteux ! Nos enfants se moquent de nous… Comment ça se fait qu’on a été dans la même galère avec les soldats français, et qu’on touche une si petite pension par rapport à eux ?

S’ils nous donnent nos droits, comme les Français ou les Algériens, on va rentrer au pays. Sinon qu’est-ce qu’on va rester faire ici ? Si on nous paye correctement tous nos droits, on rentre au pays… Ce qu’on nous donne ici, 600 ou 700 euros, qu’ils nous le donnent là-bas ! Ce que nous faisons ici, séparés de nos familles, c’est pas une vie ! Nous vivons ici dans la galère ! Nous sommes âgés… On a des difficultés pour se lever, préparer des repas…

On a entendu dire qu’Alain Juppé, maire de Bordeaux, s’occupait du dossier. Vous y croyez ou selon vous c’est juste un effet d’annonce ?

On attend. Ils ont fait des audiences, des recommandations. Maintenant on attend. Mais selon les avocats, il n’y a rien pour l’instant. Il faut qu’ils nous augmentent notre retraite ! C’est honteux ! Nos enfants se moquent de nous. Comment ça se fait qu’on a été dans la même galère, les mêmes combats que les Français, et que les Français, eux, ils touchent à peu près un million et nous on touche 90… Nos enfants, ils se moquent de nous… Ils nous disent, « Où est-ce que vous étiez, vous étiez pas à l’armée… » C’est plus possible !

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Interviewer : Joël Guttman
Traducteur : Aziz Jouhadi
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