Républicain Espagnol
Né en 1916
Fille née en 1952
Dans le cadre de la collecte de témoignages oraux sur les Républicains espagnols engagés dans la Résistance, un entretien avec Mme Marianne Bernard, fille de Mariano Alcala Serrano, a été enregistré le 11 juin 2009 à Bordeaux. Vous trouverez un résumé synthétique de cet entretien sur cette page.
MARIANNE BERNARD – Je suis la fille de Mariano Alcala Serrano, je m’appelle Marianne, et je suis née en France, de mère française, et de père espagnol.
Je vais vous raconter le début de son périple. Dès le début du conflit en Espagne, il s’engage dans le camps républicains, et il participe à la défense de Madrid en 36, à la bataille de Guadalajara, Teruel, où il fut blessé, puis au Front de l’Ebre. Il franchit la frontière à Portbou le 9 février 39…. il sera désarmé et transféré au camp de concentration d’Argelès-sur-Mer. Iil y restera 2 mois… période au bout de laquelle il connaitra d’autres camps, Barcarés, Saint-Cyprien, Agde, et retour à Argelès.
À la base sous-marine, il a été prévenu par un colonel de l’armée allemande que la Gestapo le recherchait. Il s’est alors échappé avec deux de ses compagnons…
C’est à partir de ce camp, que le 4 février 1940, il sera incorporé dans la 114ème compagnie de travailleurs étrangers. Il part à Evreux, où il participera à la construction d’une usine d’aviation. En juin 40, sa compagnie est évacuée en Haute-Vienne, à Oradour, Saint-Junien et Bellac, où il travaille comme forestier, alors qu’il n’avait jamais touché une hache. Le 27 mars 42, il est réquisitionné par l’organisation TODT et arrive à Bordeaux pour travailler à la base sous-marine allemande jusqu’en septembre 43.
À la base sous-marine, il devait faire quelques sabotages, et finalement, prévenu par un colonel de l’armée allemande que la Gestapo le recherchait, il s’échappe avec deux de ses compagnons avec l’aide d’un réseau, probablement de résistants bordelais et espagnols. Il détruit ses papiers et prend le train pour la Dordogne.
Ils arrivent à Neuvic sur l’Isle, où ils étaient attendus par un agent de liaison, une femme avec un journal sous le bras. Et eux-aussi devaient avoir un journal sous le bras. C’était leur signe de reconnaissance. C’est comme cela qu’ils ont été ramenés dans le dans le maquis.
Et à partir de ce moment-là, ils participent à de nombreux actes de sabotages. C’est à ce moment-là aussi qu’il devient « Manuel ». Ce sera son nom de guerre.
Il a participé aux sabotage en gare de Mussidan, une locomotive. Aussi, il a saboté l’aiguillage en gare de Montpon-sur-l’Isle. Ensuite, il y a eu un accrochage avec un détachement allemand, en février 44, à Echourgnac. En mars 44, son groupe fait mouvement vers Saint-Jean d’Hérault et le Lot-et-Garonne. Puis retour vers Villefranche-du-Périgord, où ils opèraient de nombreux sabotages.
Ensuite, ils réceptionnent un parachutage sur Biron, dans le canton de Montpazier, en Dordogne toujours…. Puis, fin avril 44, alors que sa compagnie regagne Saint Georges de Blancaneix, Manuel rejoint le commandant Carlos, de la MOI, dans la région de Domme.
Et c’est avec ce groupe qu’il participera à plusieurs opérations de récupération d’explosifs, dans les carrières de la région, ainsi qu’à la récupération de trois parachutages d’armes que le commandant Carlos avait obtenu de la mission interalliée. Ils avaient eu des messages, « Les français parlent aux français ». Ils répondaient, « Le drôle, il peut attendre », « Nous n’irons plus au lac Saint-André », « Dolores est gentille ».
Ensuite il y a eu d’autres actes de résistance. Un sabotage du tunnel de Gourdon dans le Lot, en juin 44. Les 17 et 18 juin 1944, sabotage de la ligne Cahors-Lèches. 27 juin, combat de Castelnaud-Feyrac en Dordogne. 28 juin, combat contre une unité allemande dans la région de Groléjac. Et jusqu’au débarquement, l’unité à laquelle il appartient, en liaison avec le 4ème régiment FTPF, participera au contrôle des voies de communication dans le sud de la Dordogne.
Ils étaient attendus par un agent de liaison, une femme avec un journal sous le bras. Et eux-aussi devaient avoir un journal sous le bras. C’était leur signe de reconnaissance.
Ensuite, en octobre 1944, il fait partie de ceux qui sont repassés en Espagne, par le Val d’Aran, pour la reconquête de leur pays. Ils étaient assez nombreux, 35 environ, mais il n’en ait pas rentré beaucoup parce qu’ils étaient attendu par les troupes franquistes… Et la population, en souffrance, n’était plus prête à prendre les armes. Donc ils sont revenus en France, peu nombreux, et mon père sera démobilisé à Tarbes, le 26 mars 1945.
OUMAR DIALLO – Qui était-il exactement ? Etaient-ils issus d’une famille nombreuse, d’une famille bourgeoise ou d’une famille prolétaire ?
Il était d’une famille de cinq enfants, assez aisée, mais il n’empêche qu’ils se sont tous rangés dans le camp républicain. Le camp de la justice sociale. Lui, , ainsi que ses frères et sœurs, ont eu de la chance puisqu’ils ont fait des études. Alors qu’en Espagne, à ce moment-là, il y avait beaucoup de gens qui ne savaient ni lire ni écrire. N’allaient à l’école, que les gens qui n’avaient qui avaient de l’argent.
C’était un engagement idéologique. Il a perdu un frère à Guadalajara, pendant la bataille contre les italiens, une sœur à Madrid, aussi, pendant la guerre, et un autre frère qui a disparu après la guerre d’Espagne, dans les années 50 je pense, et dont il n’a plus jamais entendu parler.
Après son retour en France en 45, lui, après, il n’est, il n’est plus revenu en Espagne ?
Non il n’est plus revenu en Espagne. Il est revenu en Espagne en 66. En 1966, quand il a eu la nationalité française. Et pas avant, parce qu’ils craignaient pour leur vie en cas de retour en Espagne…
Après sa démobilisation en 45, a-til fondé une famille ?
Il est revenu a en Dordogne, à Neuvic-sur-l’Isle, et c’est là où il a fondé sa famille dans les mois qui ont suivi, et il aura donc deux filles.
Est-ce qu’il a fréquenté, donc après, la communauté espagnole ?
Oui, il y avait en Dordogne, une communauté espagnole très soudée, peu nombreuse mais très soudée. Je ne me rappelle pas trop parce que j’étais enfant, mais je pense que mon père devait avoir certaines responsabilités politiques ou syndicales. Et je crois qu’ils se réunissaient pas mal chez nous. Mais il avait de nombreux amis, très soudés. Comme tous ces Espagnols qui ont fait la guerre d’Espagne. Et après en France ils étaient très solidaires. Même s’ils étaient pas tout à fait tous du même bord politique, parce qu’il y avait différents partis, différentes idéologies, mais ils étaient très soudés quand même.
Faire le choix de la République, c’était un engagement idéologique, pas par nécessité économique, parce qu’il venait plutôt d’une famille aisée et avait pu faire des études…
Votre père est décédé ?
Alors il est décédé en janvier 2003 à presque 87 ans, en Dordogne, à Périgueux. Même s’il a beaucoup voyagé, iI a toujours vécu en Dordogne, auprès de sa famille. Et de ses amis, parce qu’il avait beaucoup d’amis français aussi. D’ailleurs, le jour de ses obsèques, le maire du village a fait un discours. C’était très très émouvant…
Comment avez-vous pu avoir autant d’informations sur ses actes de Résistance ?
Alors j’ai une carte d’ancien combattant de mon père, j’ai donc pu me renseigner à l’Office Nationale des Anciens Combattants de la Dordogne, qui m’a transmis tous ces renseignements.
Je vous laisse le mot de la fin, si vous voulez ajouter quelque chose…
Le mot de la fin, c’est que c’était un père formidable…
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